La Gazette du Canal n°19 - Actu

(printemps 1997)

Le journal de tout le 10e arrondissement de Paris

Éditorial

Santé, vaste et ambitieux sujet. Au bout du compte, nous n'avons le sentiment de n'avoir fait que l'effleurer, malgré l'augmentation de notre pagination (tout cela pour le même prix, merci La Gazette).
Nous avons voulu donner des informations pratiques, les adresses et numéros de téléphone sont nombreux (en espérant que vous n'aurez jamais à vous en servir, mais on ne sait jamais).
Vous noterez que plusieurs nouvelles plumes viennent se joindre à l'équipe et donnent une diversité rédactionnelle, c'est pour nous une satisfaction et un signe de développement. Mais nous devons encore poursuivre l'effort de diffusion.
Dans l'actualité, le Contrat de ville en est à une étape décisive, et notre Grongrongnon s'est fendu d'un mini dossier pédagogique récapitulatif pour tous ceux, et nous sommes nombreux, qui n'y ont encore rien compris. Quasiment deux dossiers pour le prix d'un, décidément, La Gazette est trop généreuse.
Ne cherchez pas d'informations sur la brocante du Canal. Nous sommes encore en train de réfléchir à la manière d'organiser l'événement après les problèmes qu'on nous a posés l'année dernière. Nous voulons que cet événement reste un acte festif et convivial et pas une lutte ouverte, cela demande de l'imagination et de l'énergie, mais nous ne baissons pas les bras.
Outre les informations inquiétantes sur le DSU, la vie locale a eu quelques frémissements, le jardin Villemin est revenu pour un temps dans l'actualité, d'une manière pas très plaisante, et les promeneurs sont toujours déçus de ne pas pouvoir profiter du canal Saint-Martin, le dimanche au moins.
Ces divers événements nous amènent à un constat un peu amer : pour faire évoluer les choses, à Paris, un bon conflit semble finalement être plus productif que la négociation.
Devant des pouvoirs publics qui répètent à l'envi l'antienne " le monde associatif local doit être une force de proposition ", on ne peut que remarquer qu'ils ont l'ouïe un peu faible, et c'est un euphémisme, quand il s'agit de dialoguer et de proposer.



La politique de la ville dans le 10e

Dans le 10e, comme dans les autres arrondissements de l'Est parisien concernés, la politique de la ville démarre très lentement. Peu d'actions, si ce n'est aucune, ont été mises en place. On peut s'en inquiéter et craindre, de plus, qu'une politique dont l'objet premier est l'aide par des moyens diversifiés aux personnes en situation difficile (cf. encadré n° 1) ne se résume en diverses opérations dont le contenu serait plus prestigieux que social. Est-il possible, maintenant, de créer une nouvelle dynamique ?

Un démarrage lent

C'Est deux ans après la signature entre l'état et la ville de Paris (février 1995) de la convention sur la politique de la ville que les conclusions de l'étude réalisée sur le secteur des portes sont enfin connues (cf. encadré n° 3).

Quelques projets d'action sociale, dont la date de réalisation ne saurait être encore fixée, ont vu le jour, tels :

  • la création d'une plate-forme multiservices jumelée avec une permanence associative d'aide,
  • une action envers les familles en difficulté et les femmes immigrées,
  • l'ouverture d'un centre d'hébergement et de soins pour toxicomanes (avec suivi social),
  • un centre d'accueil de jour,
  • une coordination du réseau sanitaire et social (AP, médecins de ville, associations, centres d'animation sociale).

L'opération programmée d'amélioration de l'habitat (OPAH) est repoussée : l'étude de faisabilité n'aurait lieu qu'en 1998 et l'OPAH, si elle se réalise, ne pourrait débuter qu'en 1999.

Une vitrine pour le 10e

Action devenue soudain plus efficace de la police (arrestation de traficants) ; réfection de la porte Saint-Denis, piétonisation du bas de la rue du Fg-Saint-Denis, remise en valeur des grands boulevards (cf. p. 6), autant d'actions facilement lisibles par les électeurs, comme le réaménagement et l'agrandissement du jardin Villemin dont les crédits ont déjà été votés par le Conseil régional sur le budget du DSU (cf. La Gazette n° 16, p. 4) qui ne doivent pas pallier le manque prévisible d'un véritable contenu social à donner à la politique de la ville dans le 10e arrondissement, ni entraîner le départ du quartier de ses habitants aux revenus les plus modestes vers la prériphérie, la conséquence naturelle d'aménagements de prestige étant l'augmentation des prix des loyers et des appartements.

La concertation

Il y a eu le CICA (comité d'initiative et de consultation d'arrondissement) organisé par la mairie du 10e le 16 janvier 1997 et durant lequel certaines associations qui ne sont pas membres de la commission locale de concertation (CLC, cf. encadré n° 2) ont pu s'exprimer.

La mairie du 10e veut-elle prendre l'initiative ? on peut en douter, le maire ayant déclaré lors du CICA : "je ne veux pas porter la responsabilité de l'échec du DSU ".

Ce dernier, cependant, en réponse à un courrier émanant d'une soixantaine d'associations parisiennes a demandé à la mairie de Paris que les associations du 10e soient intégrées en plus grand nombre au dispositif de concertation ; ce dispositif est cependant très " léger " : une réunion tous les six mois. De son côté, la mairie de Paris propose la création de groupes de travail thématiques à l'initiative du chef de projet.

Le projet de revalorisation des grands boulevards se veut par contre exemplaire pour la ville de Paris : ouverture d'un local d'exposition explicative dans lequel un fonctionnaire municipal recueillera les suggestions et propositions des habitants. Pourquoi ne pas ouvrir aussi un tel lieu dans lequel la problématique de la politique de la ville puisse être présentée et où les habitants pourraient s'exprimer ?

Afin de pallier la faiblesse du dispositif de concertation, accélérer la réalisation des actions et lancer de nouveaux projets, des associations d'habitants du 10e se mobilisent et viennent de créer un collectif.

Cela va-t-il enfin bouger dans le 10e ?

Jean Marandon

Encadré 1

Politique de la ville
Développement social urbain (DSU)

Dates
02/95 : Convention entre l'état, la ville de Paris et le Fonds d'action sociale (FAS).
05/96 : Convention entre la ville et la région.

Thèmes d'actions généraux contenus dans les conventions
1 - domaine de la santé
2 - aide à l'insertion et accompagnement social
3 - en direction de la jeunesse
4 - pôle prévention de la délinquance
5 - les ensembles immobiliers sociaux
6 - amélioration de l'habitat.

Périmètre dans le 10e
Pour le DSU, il coïncide presque avec celui des quartiers des portes Saint-Martin et Saint-Denis (le 10e est un des huit sites de l'est parisien).
De plus, des actions thématiques sont engagées sur le quartier Saint-Louis - Sainte-Marthe.

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Encadré 2

Organigramme du contrat de ville
au niveau de Paris

Comité de pilotage : instance décisionnelle
Co-présidents : le préfet de région et le maire de Paris.
Membres de droit : les maires des arrondissements concernés, le président du conseil régional, le délégué du FAS.
Membres associés : les directeurs régionaux de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) et de la Caisse d'allocation familiale(CAF).

Groupes thématiques partenariaux : instance administrative

Missions Ville : instance de coordination et de suivi
Au niveau du 10e
Commission locale de concertation (CLC)
Co-présidents : le préfet : Jean-Pierre Lacave, un adjoint désigné par le maire de Paris : Anne-Marie Couderc, assistée d'un délégué : Vincent Reina.
Membres de droit : l'adjoint au maire de Paris chargé des quartiers sensibles : Didier Bariani,
le maire du 10e : Tony Dreyfus, les parlementaires concernés.
Membres : des élus du Conseil d'arrondissement : Michel Ottaway, Sylvie Scherrer, Paul Richardet, Claude Challal,
des services de l'état, de la ville et institutions associées,
des représentants des associations de quartier.
Secrétariat assuré par le chef de projet : Françoise Khelif.

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Encadré 3

DSU 10e : résumé des conclusions (déc. 96)
de l'étude réalisée par le cabinet ACT.

I. Synthèse du diagnostic et enjeux
Problèmes vécus et réponses institutionnelles réussies ou en échec.
Premier enjeu :
Le secteur des Portes : le potentiel d'activités économiques et le rôle de la puissance publique.
Deuxième enjeu :
Un Parc immobilier dévalorisé, une mixité sociale et ethnique, une mixité habitat et activité.
Troisième enjeu :
Réveiller une attraction nouvelle et une valorisation urbaine sans exclure une partie des fonctions d'accueil actuelles.

II. Les orientations stratégiques
1 - Impulser et favoriser l'accompagnement social et l'insertion des populations en situation d'exclusion.
2 - Accompagner l'initiative économique et faciliter l'insertion par le travail.
3 - Préserver la mixité sociale et urbaine par un projet urbain qui réponde à la complexité de la vie locale.

III. Propositions d'actions
1 - Prévention de la toxicomanie, insertion des femmes, action éducative auprès des enfants, adolescents, jeunes adultes et des familles.
2 - Accompagner l'initiative économique et faciliter l'insertion par le travail.
3 - Prise en compte des situations d'occupation en identifiant les urgences, patrimoine immobilier/ réhabilitation.

IV. Quel dispositif d'intervention ?
- Création d'une maîtrise d'oeuvre urbaine et sociale (MOUS).
- Animation thématique.
- La commission locale de concertation (CLC).

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Encadré 4

Qui contacter

  • Le chef de projet :
    Mme Françoise Khelif
    - à l'hôtel de Ville : 01 42 76 44 41
    - à sa permanence locale, le vendredi après-midi :
    CAF Legouvé, 3, rue Legouvé, 75010.
  • Les élus de l'arrondissement en charge du contrat de ville :
    - Tony Dreyfus, Michel Ottaway, Sylvie Scherrer, Paul Richardet, Claude Challal.
    - à la mairie du 10e : 01 53 72 10 50
  • La plate-forme des associations du 10e actives dans le DSU :
    01 42 08 95 68
    01 42 06 09 32


Le point de vue de l'élu

La Gazette est allée interroger Paul Richardet, adjoint au maire chargé du Contrat de ville.
Extraits de l'entretien.

LA GAZETTE : Comment la mairie du 10e s'inscrit-elle dans les objectifs prédéfinis par l'État, la mairie de Paris, la région et le FAS(Fonds d'action sociale) ?

Paul RICHARDET : La mairie d'arrondissement est présente dans le dispositif, et a nommé un des adjoints en charge du Contrat de ville, signifiant par là qu'elle y attachait la plus grande importance. Ceci étant, la mairie d'arrondissement n'est pas maître d'ouvrage ni donneur d'ordres. Son rôle doit donc être de servir d'intermédiaire actif dans le cadre du processus du DSU (Développement social urbain).
La mairie de Paris n'était probablement pas préparée à gérer ce type de concertation et de prise en compte des acteurs locaux.
Si on veut que les actions menées dans le Contrat de Ville soient efficaces et effectives, elles doivent être décidées au niveau approprié, c'est-à-dire au niveau local prenant en compte les souhaits des habitants

- Y-a-t-il une dynamique des associations dans le 10e et de quelle façon la mairie compte-t-elle l'impulser ?

- L'étude des experts a montré qu'il y avait une difficulté à faire naître des associations porteuses de projets et voulant s'intégrer à un projet global sur le quartier. La mairie d'arrondissement en a pris conscience et elle a essayé de susciter et de faciliter l'expression des associations lors d'un CICA (Comité d'initiative et de consultation d'arrondissement) qui s'est tenu courant janvier.
Pour que des actions aient des chances d'être menées et financées dans les quartiers, le soutien des habitants est essentiel. On voit déjà un certain nombre d'associations faisant des projets responsables, susceptibles d'être intégrées dans le Contrat de Ville.

- D'importants crédits de la Région pris sur le budget du DSU ont été affectés au réaménagement du jardin Villemin, situé en dehors du périmètre. Est-ce bien normal et n'y-a-t-il pas d'autres urgences ?

- Le Conseil d'arrondissement du 10e a voté l'affectation de ces crédits, considérant que le jardin Villemin, seul jardin au centre du 10e, pourrait profiter à l'ensemble des habitants des quartiers du DSU. D'autres crédits en direction de la réhabilitation de l'habitat et de l'insertion par le travail ont été votés dans le cadre de la convention avec la Région, on ne peut que s'en féliciter.

- Pour le DSU, l'effort semble se concentrer autour des portes et des grands boulevards. Les autres quartiers ne seront-ils pas négligés ?

- C'est probablement autour des deux portes que la multiplicité des problèmes est la plus évidente. La fréquentation par les toxicomanes, le dysfonctionnement urbain (au niveau de la circulation des voitures ou des piétons), la dégradation des immeubles, un bâti dense, ont attiré l'attention sur ces quartiers. Ils sont particulièrement représentatifs de l'ensemble des quartiers du DSU, et à ce titre ils doivent servir de repère pour imaginer des solutions pour l'ensemble du périmètre.

- À part l'étude, quelles actions ont déjà été menées et qu'est-ce qui peut expliquer la lenteur du démarrage ?

- Des actions ont été menées par exemple dans le cadre " Ville Village Vacances " en été 96. Lors de la dernière CLC (Commission locale de concertation), un accord s'est dessiné en faveur d'actions spécifiques pour un suivi médical et social des toxicomanes parce qu'il ne semble pas possible de traiter ce secteur uniquement par la répression sans prévention ni assistance médicale, psychologique et sociale. D'autre part, des actions en direction des femmes et notamment des femmes étrangères qui ont une difficulté importante à s'intégrer socialement, vont être engagées très prochainement.
Un programme d'animation dans les écoles dans le cadre de la ZEP (Zone d'éducation prioritaire), visant à ce que les enfants sortent des écoles et intègrent les notions de quartier et de rencontres a également été décidé.
Par ailleurs dans le cadre de l'étude et de la concertation avec les habitants, il est apparu nécessaire que des actions d'ordre plus général soient menées, comme l'investissement dans un local socioculturel qui permettrait aux habitants de se retrouver et aux associations qui travaillent avec les différentes populations d'avoir un lieu pour exister ; une meilleure adaptation des services publics locaux, une meilleure ouverture vis-à-vis des populations du quartier.
Il est bien évident qu'on ne changera pas le quartier du jour au lendemain. Il y a certaines contraintes dues à son histoire, à son développement. Néanmoins, il semble évident qu'il faille tenir compte de ses spécificités et faciliter la réappropriation d'un certain nombre d'espaces par les habitants, que ce soit les cours, les passages et certains espaces piétons.

Propos recueillis par
Thomas Brosset et Jean Marandon



Le jardin Villemin (suite)

Décidément les vieux démons ont la vie dure, jusqu'au bout il faudra se battre avec l'énergie sans faille de notre détermination contre l'attitude absurde de l'Hôtel de Ville qui fait preuve, dans ce dossier, d'une incohérence qui frise la stupidité.

Après des années de lutte couronnée de succès contre l'Hôtel de Ville, nous attendions la décision du Tribunal administratif sur le devenir de l'extension du jardin. L'association VI.V.RE a donc perdu devant la justice, et des travaux de sondage du sol ont immédiatement démarré. Les habitants du quartier, épaulés par VI.V.RE et plusieurs partis politiques, ont tout de suite occupé le terrain et la mairie du 10e s'est fortement mobilisée. Le Conseil municipal, M. Dreyfus, le maire, en tête, bardé de son écharpe tricolore s'est opposé physiquement devant le jardin à sa destruction.

Reconnaissons qu'il avait promis de le faire et même si quelques uns en doutaient, il ne s'est pas " dégonflé ". Immédiatement M. Tiberi ordonne l'arrêt des travaux et propose une large concertation avec la mairie et les associations, on se demande pourquoi il ne l'a pas fait avant.

Malheureusement nous ne pouvons pas avoir totalement confiance dans la parole de M. Tiberi, le passé nous l'a prouvé. Nous attendons avec impatience cette concertation et nous devons être extrêmement vigilants, prêts à nous mobiliser pour une nouvelle fois préserver et améliorer notre cadre de vie si menacé.

Alain Jouffroy