La Gazette du Canal n° 32 - Actu

(automne 2002)

Le journal de tout le 10e arrondissement de Paris

Éditorial

À chaque numéro, c'est la même chose. De quoi va-t-on bien pouvoir parler ? Un histrion écarlate secoue tout son petit monde pour trouver des idées. Puis, le numéro se remplit, non sans quelques psychodrames : « non, non et non, pas question d'insérer un article de 57 pages », « zéro signes, cela ne fait pas un sujet ! », etc.
Au bout du compte, il reste tant de points oubliés et pourtant importants : les centres d'animations, l'appel aux bénévoles pour les centres sociaux, …



Fin de polémique et autres annonces en conseil d'arrondissement

Au début du conseil d'arrondissement du 9 septembre, le maire du 10e, Tony Dreyfus (PS) a annoncé avoir reçu, en date du 6 septembre 2002, une lettre de Fabienne Leleu (Les Verts), adjointe en charge de l'habitat et du logement, de la propreté et des espaces verts, lui rendant la partie de sa délégation concernant l'habitat et le logement. C'est l'épisode final d'un conflit ouvert au printemps, après que Fabienne Leleu eût accepté un poste de chargée de communication de la SIEMP, société immobilière d'économie mixte de la ville de Paris, alors dirigée par Jean-François Blet, depuis démis de ses fonctions par le maire de Paris.
Tony Dreyfus, et une majorité des élus du 10e ont considéré qu'il y avait conflit d'intérêt entre sa délégation et son activité professionnelle. Le maire lui avait donc demandé de bien vouloir remettre sa délégation. En effet, un contrat de travail étant un lien de subordination, comment l'intéressée aurait-elle pu voter en conseil d'arrondissement, en cas de désaccord entre la SIEMP et l'équipe municipale, une décision défavorable à son employeur et en être en parallèle le porte-parole. Mais cela ne troublait pas Fabienne Leleu qui arguait qu'elle pourrait tout à fait faire la part des choses.
Cela valut quelques échanges assez vifs entre le maire et son adjointe au cours des conseils d'arrondissement de juin et de juillet, échanges pendant lesquels les autres élus, Verts en particulier, semblaient trouver soudain un grand intérêt à leurs dossiers ou aux moulures du plafond.
Finalement, un compromis semble avoir été trouvé à la rentrée, avec cet abandon partiel de délégation qui lui permet de conserver un statut d'adjointe.
La délégation à l'habitat et au logement reste pour l'instant vacante, aucun remplaçant n'ayant été nommé à ce jour.
D'autre part, au cours de ce même conseil d'arrondissement, Michel Ottaway a été nommé adjoint « principalement chargé de quartier, […] principalement chargé du quartier des gares ». L'intéressé a par ailleurs indiqué qu'il s'attacherait plus particulièrement au quartier Louis-Blanc.



Les élections législatives de juin 2002
dans le 10e arrondissement

La vague populiste européenne - on se souvient de ce faux mage de Hollande (qui n'aimait pas les dames) -, n'a finalement pas atteint le 10e. La Gazette reste donc fidèle à ses camemberts.

Les scores sont exprimés en pourcentage des inscrits
C'est déjà l'automne. Les camemberts habituels ayant patienté tout l'été, en seront-ils mieux faits ?

Résultats

1er tour


* dont liste chevènementiste (1,05 %)
et Larrouturou (1,12 %)

2nd tour

Ce scrutin a été marqué par l'émiettement croissant des candidatures : 22 listes en présence au premier tour. De quoi y perdre son bulletin de vote : gauche ou droite ou autre, certaines listes sont difficilement identifiables. La moitié d'entres elles (11) ont obtenu un score inférieur à 0,5 % (réalisant cependant un score total de 2,10 % avec une moyenne de 78 voix).

Rappel des législatives antérieures : 1988 : 7 listes, 1993 : 13 listes, 1997 : 20 listes, déjà.

Pour conclure, voici un petit graphique des scores obtenus par les liste emmenées (ou conduites ?) par Tony Dreyfus.

Une bobototomania au beau fixe !



Canal bouillu, canal foutu

Depuis le printemps 2002, on observe une réelle surchauffe dans les animations du canal Saint-Martin, conséquence attendue du battage médiatique mené depuis quelques années (dont La Gazette est aussi en partie responsable). Va-t-on faire du canal un vaste espace de loisirs urbain, sorte de parc d'attraction permanent pour les nouveaux allo-maman (les bobos) nourris au sein Disneyland ?

Rentrée sur les chapeaux de roue pour le canal piéton. Pas un dimanche sans animation jusqu'à mi-octobre au moins.

Tout le monde il est beau

Les 7 et 8 septembre, s'est déroulé le festival Métiss'age organisé par l'association Global Warming. L'affiche de la manifestation, dans un style très Fillmore - temple californien des années hippies - annonce « Peace », dans la lignée des titres des précédentes éditions : « L'été indien », « Naître libre », « Renaissance », « Amour » (sic).
Mais on est loin des anarchies utopico-libertaires hippies. L'affiche mentionne une liste de sponsors qui ne déparerait pas dans une interview télévisée de footballeur. On trouve entre autres, au milieu de Coca-Cola, Kronenbourg et Kodak, la mairie de Paris : environ 15 000 euros de subventions municipales ont été accordées, deux tiers provenant du budget culture de la mairie du 10e, le reste venant de la Ville ; c'est pratiquement l'équivalent des subventions d'animation du canal pour toute l'année 2001. Le budget global de la manifestation n'est pas connu, mais la qualité et la richesse de la plate-forme technique installée montrent que les moyens financiers sont d'un autre niveau, on se demande bien ce que viennent faire des fonds publics là dedans.
Global Warming se présente pourtant comme « une association à but non lucratif qui se donne pour vocation la promotion d'artistes. [… Elle] rassemble plus de 250 bénévoles pendant le festival et une quinzaine de permanents toute l'année qui se consacrent à la recherche de nouveaux talents français ou étrangers. »
Cela ressemble à s'y méprendre à une agence artistique professionnelle, qui exploite de plus une fibre revival mystico baba cool, avec justificatifs moraux sur le suicide des jeunes ; le flou entretenu sur ce projet et ses financements ne peut que rendre suspicieux.

120 à la noire pendant deux jours

Les 14 et 15 septembre, une nouvelle manifestation, Pelouses électroniques, organisée par le magazine Coda, avec les Parcs et jardins, a offert un concert de deux fois huit heures non stop de pulsations technoïdes. Si le niveau sonore était tout à fait raisonnable pour de la techno, l'emplacement n'est peut-être pas le mieux choisi. On peut se réjouir que tous les styles de musique soient représentés dans les animations, mais la durée de cette manifestation pose certainement problème. Le jardin Villemin n'est pas les Buttes Chaumont ou la pelouse de La Villette.
L'année dernière, les manifestations s'arrêtaient à 18 heures, parfois 19 heures. En ce mois de septembre, elles durent souvent jusqu'à 21 heures. L'année prochaine, passera-t-on à 22 heures, avant d'atteindre minuit en 2004 ?

On continue jusqu'où

La fête continuera le 22 septembre avec Ensemble, nous sommes le 10e (septième édition, quand même, et uniquement le dimanche de 14 h à 18 h), puis, le 6 octobre, l'association Canal fait des vents (sans sono) et le 13 octobre, on remet cela avec des spectacles de rue.
Certains, au vu du succès de l'opération Paris-plage cet été le long de la Seine, voudraient même qu'elle soit étendue au canal Saint-Martin en 2003.
Pourquoi pas ? Mais alors, il faudra dégager l'espace d'habitation autour du jardin et le long des berges. On a déjà commencé avec l'annulation du projet d'immeuble social pour les infirmiers, rue des Récollets, continuons avec l'immeuble du 112, quai de Jemmapes, et vidons peu à peu tout le pourtour. L'idéal serait d'imposer des immeubles de bureaux, libres le week-end. On pourra alors faire des fêtes non stop dans ce nouvel espace sans gêner les voisins.
N'y a-t-il que le canal pour faire des animations dans le 10e  ? Et plutôt que de chercher à limiter les événements, ne faudrait-il pas faire preuve d'un peu d'imagination et les répartir dans l'arrondissement ?

Y-a-t'il un pilote dans le 10e

Soyons clair, il n'est pas dans notre intention de vouloir faire du canal une promenade sans aucune activité. Cette solution peut en attirer certains, mais elle serait tout aussi néfaste pour la qualité du lieu qu'un excès d'animation. Il faut que cet espace ne devienne ni la chasse gardée d'une seule association, ni un défilé d'animations commerciales permanentes. Bref, prendre une décision claire et peut-être un peu d'imagination pour déplacer certains événements.
La mairie du 10e dispose-t-elle de la volonté politique et des moyens d'organiser ce territoire ? On peut en douter devant ses réponses, au choix : « oh la la, nous avons manqué de vigilance et donné notre accord sans réfléchir, qu'est-ce qu'on regrette mais on n'y peut plus rien ! » (version immeuble Préault) ; « on n'était pas d'accord, mais on s'est trouvés coincés » (version Fête du canal en juin ou Métiss'ages) ; « c'est incroyable, on n'était même pas au courant ! » (version Pelouses électroniques - Tiberi ou Delanoë, le 10e semble toujours aussi loin de l'Hôtel de Ville). Alors, faut-il incriminer l'indifférence ou le cumul des mandats et des fonctions ? Toujours est-il que le député-maire et son équipe semblent dépassés par les événéments se déroulant dans l'arrondissement/circonscription.

Jean-Michel Berthier



Tranche de vie… d'été

Appelons-la Rachida. Elle vit avec son fils dans une pièce, une loge de concierge qui lui est « troquée » contre des heures de ménage dans l'immeuble. Cette pièce donne directement sur le quai de Valmy, au rez-de-chaussée. Le bruit des voitures ou des passants, elle vit avec. Elle vit aussi avec les vibrations venant de l'atelier mitoyen à sa pièce, quand les machines à coudre fonctionnent dans la journée, du lundi au samedi. « C'est la vie, dit-elle, il n'y a pas de problème, je suis habituée et j'ai les nuits et le dimanche pour me reposer. »
Depuis quelques années, Rachida est habituée à la Fête de la musique, elle ne dort pas de la nuit, une fois par an. Elle le sait.
Et puis, arrive ces temps-ci, une nouvelle ambiance sur le canal.
Tout a commencé par l'arrivée régulière et nocturne des groupes de rollers. « Avant », c'était un bruit apaisant, un roulis de roues, un bruit qui vous berçait. Aujourd'hui, quand tous ces rollers passent, plus aucune magie ; on entend des gens faire tout le bruit qu'ils peuvent avec leur voix, ça ne berce plus du tout. Allez ! C'est une fois de temps en temps. Rachida en a vu d'autres.
Mais, encore plus récemment, la nuit, des groupes de personnes sont là chaque soir, devant son lit : tam-tams, cris, sifflets, applaudissements soudains, jusque 2 ou 3 heures du matin.
Si son fils arrive à dormir, Rachida, non. En début de soirée, « avant », elle avait l'habitude, son fils une fois endormi, de mettre un peu la télévision tout doucement avant de s'endormir. Maintenant, elle n'arrive plus à l'entendre et puis, pas moyen de dormir. Et elle rumine et n'ose pas sortir de chez elle pour dire à ces gens : « Vous savez, il me faut dormir, sinon je ne tiendrai pas le coup. »
Femme de ménage, elle est payée à l'heure effectivement travaillée ; elle est logée en échange de son travail de nettoyage dans l'immeuble. Pas un sou d'avance, adulte seule pour élever un fils, si elle craque… Non ! ce n'est pas possible.
Reste donc à convaincre les nouveaux jouisseurs des bords du canal Saint-Martin qu'un lieu de vie c'est aussi, pour d'autres, un petit coin de repos.

Marie-Laure Simon



La poubelle-ville du monde !

Jaune. Verte. Blanche : depuis que les poubelles nous en font voir de toutes les couleurs, les cours d'immeubles se transforment en feu d'artifice… avec discussion explosive sur l'endroit où il faut installer les pétards.

Les hirondelles arrivent à la fin de l'hiver et les poubelles à la fin de l'été. Est-ce dans le but que l'automne soit un peu moins nostalgique cette année ? Car il va falloir s'y habituer : les porches des immeubles deviennent des présentoirs à container.
L'ancien préfet de Paris, Poubelle, doit se retourner dans la sienne : en donnant son nom à ce contenant, il n'imaginait certainement pas qu'il deviendrait un élément essentiel du décor urbain du XXIe siècle. Pour évaluer la surface utilisable sous les porches, des « ambassadeurs du tri » sont passés dans les immeubles. Là où la place manquait, on a sacrifié les jaunes. Au fait, pourquoi ces couleurs ?
Jaune pour le carton, le plastique, les journaux et le petit électroménager. Pour le moment, le ramassage se fait une fois par semaine. Les déchets sont orientés sur le centre de tri de Romainville.
Vert pour les déchets non-recyclables : l'essentiel est brûlé dans un centre d'incinération à Saint-Ouen. 80 % est utilisé pour produire de l'énergie. En sortie d'incinération, on récupère certain métaux qui sont réinjectés dans la production d'acier. Enfin ce qui est indestructible et non recyclable va choir lamenta-blement dans une décharge à Claye-Souilly en Seine-et-Marne. Le ramassage continue d'être quotidien.
Blanc pour le verre : Les grands containers globuleux qui envahissaient les places publiques depuis 1986 sont abandonnés. Le ramassage se fait une fois par semaine. Le tout est envoyé dans un centre de préparation dans l'Aisne, qui enlève les bouchons. Puis le verre est acheminé dans une verrerie à Épernay. Tout est refondu. Les essais pour récupérer le verre non cassé ont été abandonnés. Les campagnes de publicité n'en parlent pas, mais il y a toujours une partie de l'argent récupéré qui est redonnée pour la lutte contre le cancer.
À La Gazette, nous n'avons qu'un regret : les poubelles-girls municipales, c'est pour quand ?

Benoît Pastisson