La Gazette du Canal n° 25 - Dossier

(été 2000)

Le journal de tout le 10e arrondissement de Paris

La gauche peut-elle garder le 10e ?

Le bilan de la gauche dans le 10e :
handicap ou atout pour les prochaines échéances ?

Mairie 10eEn 1995, la gauche présente une liste dans le 10e sans aucun espoir de gagner. A la surprise générale elle l'emporte. Cinq ans après, que dire de cette équipe ? Est-elle en mesure de se représenter telle quelle aux prochaines élections ?

En 1995, lorsque Tony Dreyfus constitue sa liste pour les élections municipales nul ne songe un instant qu'il peut gagner. Jacques Chirac vient de s'installer à l'Elysée et dispose à l'assemblée d'une confortable majorité. Dans le 10e, la droite se sent sûre d'elle, aux commandes de l'arrondissement depuis 30 ans. Tony Dreyfus compose donc une liste pour faire les élections, plus propre à lui faire retrouver son poste de conseiller de Paris, qu'en vue de constituer une équipe prête à travailler. Il y avait d'ailleurs peu de volontaires et certains qui venaient de quitter le Parti socialiste, ont, après la victoire, regretté de ne pas avoir été candidat. Entre les deux tours, il a fallu recomposer la liste en ménageant chaque sensibilité de ce qui est devenu ensuite la majorité plurielle, et en essayant ainsi de rassembler le maximum d'électeurs ayant voté pour les autres listes de gauche au premier tour.

Le 10e à gauche

La liste gagne. Enfin l'alternance dans le 10e ! Tony Dreyfus était sans doute le premier étonné, on pouvait même se demander si cela lui faisait réellement plaisir. Avocat d'affaires renommé, ancien ministre, ami et conseiller de Michel Rocard, il avait fait figure de parachuté en 1989 et n'avait pas à priori le profil de maire d'un arrondissement populaire de Paris. Certains, peu nombreux à cette époque, se rendaient déjà compte qu'il se trouvait à la tête d'une équipe disparate et peu préparée.

Passée la surprise de la victoire, le nouveau maire s'est donc mis au travail. Il a dû s'organiser pour être présent en mairie et a commencé son apprentissage pour mieux connaître la vie de l'arrondissement. Très vite, il devint clair qu'il allait prendre au sérieux son mandat et qu'il en avait largement l'envergure. Autour de lui, certains élus frétillaient et en conseil d'arrondissement se croyaient obligés de pratiquer la surenchère oratoire : à les entendre, tout allait changer et nous allions voir ce que nous allions voir (Jean-Marc Maldonado, représentant du Mouvement des citoyens étant le champion dans le genre).
Mais nous vivions encore avec euphorie l'état de grâce. La mairie s'ouvrait aux associations, la concertation promise pendant la campagne électorale se mettait en place. Le point culminant de cette première époque fut un forum associatif organisé tout un samedi à la mairie. Des commissions dispersées dans toutes les salles traitaient de tous les dossiers importants : urbanisme, affaires scolaires, loisirs, sécurité, etc. L'ambiance était décontractée et les perspectives très roses et vertes.

Ce soir on improvise

Très vite, l'impréparation de l'équipe, parfois son amateurisme, va se faire sentir. Il n'est pas évident de passer du statut de militant de l'opposition à celui d'élu, chargé de faire avancer des dossiers. Les difficultés propres au statut de la Ville de Paris avaient été sous-estimées : il faut faire face à des administrations complexes et toute puissantes (Préfecture de police, Hôtel de Ville, ministères pour certains dossiers) ; l'autonomie financière de l'arrondissement est quasi inexistante et le pouvoir du maire d'arrondissement, très limité. Mais ces difficultés n'excusent pas le fait que certains élus ont tardé à maîtriser leurs dossiers, voire, les ont très vite quasiment abandonnés au maire ou à son cabinet.
Or, Tony Dreyfus suit le mouvement plus qu'il ne l'oriente. Contrairement à son collègue du 11e, il n'a pas cherché à se battre contre la mairie centrale en s'appuyant sur l'opinion publique. Pour faire avancer les dossiers, il préfère, en bon avocat d'affaires, "prendre son téléphone" pour tenter d'obtenir des engagements de telle ou telle personnalité de l'Hôtel de Ville, de la préfecture, voire du gouvernement. Combien de fois l'a-on entendu promettre d'intervenir auprès de son "ami" ministre ou tel autre conseiller du prince. Cette politique du coup de pouce téléphonique a forcément ses limites. Surtout, elle donne l'impression que la mairie du 10e a davantage repris à son compte des initiatives portées par le milieu associatif qu'apporté elle-même des projets intéressants.
Les associations Saint-Louis Sainte-Marthe et Les 4 Horizons ont probablement été davantage maître d'oeuvre du réaménagement de leur quartier que les élus. Les conseils de quartier et le bureau du CICA auraient-ils été mis en place sans l'insistance des associations ? Le canal piéton ne serait-il pas encore mal organisé si l'association CANAL n'avait pas relayé quelques-unes des défaillances dans le suivi du dossier à la mairie du 10e ? Et sans la constitution de l'association Coté Quartier, le centre Beaurepaire existerait-il encore ?

Quelle équipe

Le premier adjoint, Michel Ottaway, n'a pas été d'une très grande efficacité. Son passé dans l'arrondissement lui donnait pourtant une légitimité exemplaire : grand témoin de la vie de l'arrondissement depuis des années, militant infatigable de l'opposition sous Marcus, puis Challal, toujours présent sur le terrain dans les luttes importantes (fermeture des classes, Jardin Villemin, mal logés, etc.). Une fois élu, ses qualités d'opposant ne se sont pas avérées très efficaces : il parle beaucoup, arrive sans arrêt en retard à ses rendez vous, entasse des tonnes de documents (à tel point que plus personne ne peut entrer dans son bureau) pour au bout du compte laisser la désagréable impression qu'il ne fait rien avancer. Il n'en demeure pas moins sympathique, et malheureusement, parité oblige, l'adjointe pressentie pour le remplacer l'an prochain, Olga Trotianski, le surpasse largement dans le maniement de la langue de bois.
Finalement, la compétence et l'efficacité se sont concentrées à quelques exceptions près en dehors des troupes socialistes. Jean-Pierre Leroux, communiste, a remarquablement bien suivi les affaires scolaires ; Sylvie Scherer (liste EGALE) a imposé avec beaucoup de détermination un important travail en direction des populations étrangères de l'arrondissement ; enfin, Serge Renan (exception socialiste) a traité avec discrétion (un peu trop ?) et efficacité le dossier ultra sensible de la toxicomanie et de la prévention du SIDA.

Peut mieux faire

Ainsi, au bout du compte, et tout au moins au sein du milieu associatif de l'arrondissement, celui même qui avait probablement contribué à la victoire surprise de la gauche dans le 10e en 1995, l'équipe municipale de Monsieur Tony Dreyfus n'a pas totalement convaincu. Certes elle a l'excuse d'avoir été propulsée aux affaires sans s'y être préparée (quoique Monsieur Dreyfus fut déjà conseiller de Paris depuis 1989, il était alors aussi discret que l'ont été les opposants Marcus-Challal-Koblenz-Mass d'aujourd'hui). Mais qu'en sera-t-il l'an prochain ? Le maire aura-t-il la possibilité et le courage de constituer une équipe moins branlante, au besoin en remerciant certains "piliers" d'hier ? Ou bien, se dira-t-il, comme se disent toujours les socialistes, que de toute façon, au deuxième tour, le peuple de gauche sera discipliné et votera utile pour faire obstacle à un retour de la droite dans l'arrondissement ? Il ferait alors une grossière erreur. En 1995, à Paris, nul électeur de gauche ne pouvait refuser le plaisir de mettre la droite dehors. Depuis, l'alternance (à Paris incomplète et limitée à quelques arrondissements, mais bien réelle au gouvernement), nous a permis de mesurer les limites des promesses et des engagements solennels. La composition de l'équipe et les propos tenus pendant la campagne électorale seront déterminants. Des électeurs sceptiques pourraient s'abstenir au deuxième tour.

Hervé LATAPIE

La maison des associations

La promesse de mettre des locaux à la disposition des associations n'a pas été tenue. Il est toujours aussi difficile d'organiser des réunions publiques le soir dans l'arrondissement, à moins de louer une salle dans un centre de loisir…municipal.
Ne parlons pas d'un local interassociatif avec des services (photocopie, téléphone, boîte aux lettres, etc.). Cette maison des associations devient un fantasme : à chaque fois qu'un nouveau bâtiment doit être aménagé, les promesses de son installation resurgissent. Si elles sont respectées (ce dont on ne peut que douter), on ne saura plus où aller : au couvent des Récollets, à l'Hôpital Saint-Lazare ou au Point P CIMA !
Rien n'a été fait non plus pour faciliter l'affichage public des associations, contrairement à ce qui avait été promis pendant la campagne électorale.


Loisirs et politique culturelle

JemmapesLe traitement du dossier des centres de loisirs a été laborieux, la mairie centrale a gardé sa main mise sur leur fonctionnement. La mairie du 10e attend toujours aujourd'hui que la gestion soit effectivement confiée aux mairies d'arrondissement.
La politique culturelle, elle, se résume dans l'organisation de très nombreuses expositions en mairie, chaque vernissage offrant une occasion d'inviter personnalités et notables autour d'un buffet où l'on hume avec plaisir l'air du temps local.


Sécurité, délinquance

policeLe comité local de sécurité, promis pendant la campagne électorale, n'est toujours pas mis en place. Monsieur Dreyfus dans ce domaine mérite sa réputation : il intervient régulièrement (par téléphone ou lettre) auprès des autorités compétentes, préfet de police et Ministère de l'Intérieur, afin que les quartiers difficiles soient mieux fréquentés. Il n'a pas eu plus d'imagination que ses prédécesseurs. Notons tout de même la mise en place imminente d'une maison de justice rue du Buisson-Saint-Louis.
Le fait marquant de la mandature aura été le feuilleton du centre Beaurepaire : l'absence de concertation et d'explications avant l'installation de ce lieu d'accueil des toxicomanes aura été cher payée.


Voitures, vélos, piétons

véloVoici un dossier qui a été très vite abandonné. Les propositions de la mairie du 10e sont soumises au bon vouloir de l'Hôtel de Ville et de la Préfecture. Certes, mais pourquoi dans ce cas avoir entamé un travail en début de mandature ? Un comité de consultation s'est réuni à la mairie quatorze fois entre 1996 et 1998. Des projets y ont été discutés (piétonisation de certaines rues, amélioration des pistes cyclables, correction du plan de circulation). Puis, plus rien. La tâche est apparue sans doute trop difficile, le comité a disparu et les initiatives également. Les pistes cyclables ont été installées à la va vite par Monsieur Tiberi qui n'a pas non plus tenu ses promesses d'aménagements complémentaires dans les quartiers tranquilles. Les promesses concernant la rue de Lancry, la rue du Faubourg-Saint-Denis et les abords des gares pourront être resservies durant la prochaine campagne électorale ! On a du mal à croire que les élus locaux n'avaient que si peu de marge de manoeuvre. Ils pouvaient au minimum rendre compte à leurs électeurs de l'immobilisme et de la politique du tout voiture de l'équipe de Jean Tiberi et exercer une pression pour faire avancer les projets locaux alternatifs.


Le CICA et le dialogue avec les associations

On se souvient des réactions hautaines, voire légèrement méprisantes de l'ancienne équipe lors de ces réunions publiques. Monsieur Marcus avait l'habitude de clore les discussions en lançant : "c'est comme cela, et si vous n'êtes pas contents, attendez les prochaines élections et vous verrez". Ce qui fut dit, fut effectivement tout vu ! Avec Tony Dreyfus, le dialogue s'est amélioré, surtout avec les associations amies. Parfois, ses réponses en conseil d'arrondissement rappellent un peu celles de Messieurs Challal et Marcus, au début les CICA étaient plutôt mal préparés et n'apportaient que peu de réponses aux habitants. Mais cela s'est amélioré dernièrement. Enfin, l'instauration des "préconseils d'arrondissement" (durant lesquels les associations peuvent poser des questions aux élus) et des conseils de quartier dénote une volonté de relancer le dialogue. C'est une amélioration incontestable.



Récapitulatif des résultats des élections dans le 10e arrondissement depuis 1988

  Non exprimés Extrême gauche Union gauche Union droite Extrême droite Autres
24/04/1988
Présid.
1er tour
27,8 2,4 29,9 26,8 11,4 1,6
08/05/1988
Présid.
2nd tour
25,7   38,3 35,9    
05/06/1988
Législat.
1er tour
42,8   24,0 25,8 6,8 0,6
12/06/1988
Législat.
2nd tour
39,2   27,8 33,1    
12/03/1989
Municip.
1er tour
47,3   20,3 25,8 6,7  
19/03/1989
Municip.
2nd tour
49,0   18,0 27,4 7,7  
16/06/1989
Europ.
56,6   17,2 17,0 6,9 2,4
22/03/1992
Région.
39,1   19,5 23,2 8,9 8,9
21/03/1993
Législat.
1er tour
38,7   23,2 25,6 8,1 4,5
28/03/1993
Législat.
2nd tour
44,5   23,4 32,0    
12/06/1994
Europ.
49,2   22,1 17,9 5,7 5,2
23/04/1995
Présid.
1er tour
30,6 4,2 27,8 29,9 7,2 0,2
07/05/1995
Présid.
2nd tour
28,5   33,8 37,7    
11/06/1995
Municip.
1er tour
53,9 3,5 15,0 18,9 6,1 2,5
18/06/1995
Municip.
2nd tour
50,7   22,6 20,6 6,0  
25/05/1997
Législat.
1er tour
40,3   26,0 18,6 6,7 6,3
01/06/1997
Législat.
2nd tour
36,7   33,9 29,4    
15/03/1998
Région.
45,8 2,1 22,8 16,2 6,8 6,2
13/06/1999
Europ.
50,7 3,4 25,3 14,5 3,7 2,4
Moy. 45,4   25,0 25,1 7,0  

Attention, dans cet article, tous les résultats ont été indiqués en pourcentage des inscrits, c'est la formule habituelle de La Gazette.
Les cases vides signalent l'absence de candidat ou un score inférieur à 2 %.
La ligne "Union de la gauche" regroupe les scores des Verts, du PC, du PS, et du Mouvement des citoyens (MDC), et de la liste d'extrême-gauche EGALE au scrutin du 18/06/95.

De plus, dans la ligne " Autres ", sont globalisées les listes ayant obtenu un score inférieur à 2 %, à l'exception du MDC, dont les scores souvent inférieurs à 2 %, sont comptabilisés dans " Union de la gauche ", et du résultat exceptionnel de Génération écologie, 7,4 %, aux régionales de 1992.

D'aucuns prétendent ou voudraient faire croire que les scores électoraux du PC ne cessent de baisser, ils sont au contraire parmi les plus stables.
Lors des européennes de 1999, le score de 10,9  % du PS, ayant pourtant fait liste commune avec le MDC, est inférieur à celui des Verts (11 %).
La percée des Verts aux européennes de 1999, 11 %, est-elle significative d'une montée en puissance ou, au contraire, ce score doit-il être rapproché du score écologiste des régionales de 1992 : 12 % (4,6 % Verts + 7,4 % Génération écologie), qui n'a pas eu de suite malgré une alliance Verts-Génération écologie aux législatives de 1993 : 6 % ; pour retomber ensuite à 1,7 % aux européennes de 1994 ?

Le taux de participation est très lié au type de scrutin : les élections européennes et municipales mobilisent moins de 45 % des électeurs, à l'opposé des élections présidentielles.Pourquoi une telle différence de mobilisation ?
La " majorité " dans l'arrondissement est obtenue avec un score moyen de 27,2 % des adultes ayant ressenti le désir de s'inscrire sur les liste électorales ou ayant pu le faire (nationalité).

Sans conteste, le score de l'extrême droite ne cesse de s'effriter.
Pour les unions de droite et de gauche :
- les courbes se croisent trois fois en 1988, 1994 et 1995, ce qui correspond à des changements de majorité ;
- les tendances des scores successifs à croître ou à décroître sont souvent simultanées.

Jean Marandon



Longuépée.com

Bien qu'il ne soit pas encore investi officiellement par le RPR du 10e arrondissement, Florent Longuépée, élu au conseil régional d'île-de-France, est un des candidats probables de la droite aux prochaines élections municipales. Soutenu par l'ancien député-maire C.G. Marcus, il a défendu depuis le début la candidature de Séguin à la Mairie de Paris. Nous l'avons rencontré dans un bar, Le Gymnase, sur le canal.

Le personnage est à la fois surprenant et sympathique : la trentaine, grand et maigre, il sait mettre tout de suite à l'aise. On a d'emblée envie de l'appeler par son prénom, voire de le tutoyer. On sent en lui l'ami potentiel, le copain virtuel. N'a-t-il pas créé le RAP (Rassemblement pour une autre politique = la droite gaulliste sociale). On baigne dans la proximité et la symbiose relationnelle. L'affect est amadoué, les sentiments flattés, la sensibilité chatouillée, le coeur séduit : " vous êtes vraiment cool, comme mec " lui lance l'un des trois interviewer de La Gazette ! Certes, mais voilà : le bonhomme travaille dans la communication (pour les élus locaux !), et très vite, on sent quelque chose qui cloche. Et l'on se dit que Florent Longuépée parle mémère avec les mémères, sécurité avec les coliqueux néphrétiques et peaux de lapins avec les taxidermistes. Alors, le soufflé retombe et seule reste l'odeur indélicate du fromage fondu. Et l'on comprend mieux pourquoi les fax et téléscripteurs donnent l'avis du bonhomme à chaque fois que l'actualité et l'arrondissement se croisent, y compris pour des faits divers.
À coup de fleuret moucheté, nous avons voulu voir le regard de l'homme sur des grands sujets de l'arrondissement. On peut constituer trois paquets : les dossiers où l'approche ne diffère quasiment pas de celle de l'équipe actuelle : il s'agit, en gros, du couvent des Récollets, du canal piéton, de l'aménagement de la voirie pour les piétons et cyclistes (il est contre les axes rouges), du Point P Cima (avec une touche personnelle : la moitié du bâtiment réservée pour déjeuners d'immeuble), de la pollution due aux locomotives diesel (à l'entendre, l'actuelle municipalité s'en fiche) et de la Scala (qui suscite un gros coup de sabre sur la lenteur de la réaction de l'équipe actuelle). Les dossiers où Florent Longuépée n'a pas d'avis constituent le second paquet : politique de la ville, Hôpital Saint-Lazare, Louxor (" un cinéma ? pourquoi pas ! "), crottes de chiens (excepté quelques sanisettes…). Enfin, les différences, curieusement ne sont pas très nombreuses : le look (le discours se fait anti-bourgeois et anti-hautain !), la couverture de la gare de l'Est par du béton végétalisé sur le dernier décimètre (note de le claviste : berk !), le désintérêt pour la construction de nouveaux logements sociaux dans l'arrondissement, et… le centre Beaurepaire, seul vrai sujet où la discorde est totale dans l'apparence. Pourtant… Florent Longuépée n'est pas contre un centre d'accueil pour toxicomanes dans le 10e, il souhaite même que la structure aille plus loin, que les traitements curatifs soient plus poussés. à propos du lieu, il déplace le problème en installant le centre sur la bordure urbaine d'un hôpital. Lorsqu'on lui fait remarquer qu'il n'y a pas de raison pour que, comme dans la rue Beaurepaire, une petite partie des habitants de la rue Bichat, par exemple, ne réagissent négativement, il ne répond pas vraiment à la question. Ici, le discours se fait plus populo-récupérateur que cohérent et rigoureux. Probablement un problème de cible…
Cependant, l'homme tire bien : quand on est à la fois dans l'opposition de l'arrondissement, et en opposition à sa propre majorité à l'Hôtel de Ville, détruire est un jeu facile. Mais encore faut-il toucher en proposant autre chose que de baptiser à grand renfort médiatique la gare du Nord du nom de la bataille de Fontenoy (1745), où les mangeurs de grenouilles ont infligé une déculottée aux buveurs d'eau chaude (même s'il s'agissait de réagir à la Waterloo-Station de Londres).
Au fait, qu'est-ce qui compte aujourd'hui, avoir des idées ou une image ?

Benoît Pastisson
(avec Manu Loiret et Jean Marandon pour l'interview)

Longuépée
Florent Longuépée, gaulliste du 10e, tendance "canal historique".
(Photo et légende : F. Longuépée)



money Un peu, beaucoup, pas du tout ?
Tout ce que vous avez toujours voulu savoir 
sur les indemnités des élus
sans jamais avoir osé le demander.

Parmi les 18 élus conseillers d'arrondissement (CA) du 10e, 6 sont conseillers de Paris (CP) - et à ce titre, spécificité parisienne, à la fois conseillers municipaux et conseillers généraux -, 6 sont adjoints au maire d'arrondissement (AMA), un est adjoint au maire de Paris (AMP) et un est député (D).

Ce tableau récapitule l'ensemble des indemnités qu'ils perçoivent pour leurs mandats électifs.
Indemnités mensuelles brutes au 1er mars 2000 (en F) *
* source : Bulletin municipal officiel de la Ville de Paris

Nom Prénom Fonction AMA Conseiller
municipal
Conseiller
général
Indemnité
totale
Incluant le
résultat de
l'écrêtement
suivant
ARGIRO Thierry AMA 9 138,50     9 138,50  
DREYFUS TOny,
maire d'arrondissement
CD, P   5 840,81 11 189,93 49 710,75 -6 335,09
LEROUX Jean-Pierre AMA 7 878,50     7 878,50  
LHOSTIS Alain CP   9 139,08 11 189,93 20 328,91  
MALDONADO Jean-Marc AMA 7 878,50     7 878,50  
MARCUS
Claude-Gérard
CP, AMP   12 185,50 11 189,93 23 375,33  
OTTAWAY Michel AMA, CP   9 569,08 11 189,93 20 758,91 +430,00
RICHARDET Paul AMA 9 138,50     9 138,50 +1 260,00
SCHERER Sylvie CP   9 139,08 11 189,93 20 328,91  
TROSTIANSKY Olga AMA, CP   9 139,08 11 189,93 20 328,91  

Un peu :

Les adjoints au maire d'arrondissement et un peu plus les conseillers de Paris…

Beaucoup :

Le maire de l'arrondissement qui cumule les fonctions de conseiller de Paris et de député, et dont l'indemnité totale est plafonnée à 49 710,75 F (loi sur le cumul des mandats oblige) après un écrêtement de 6 335,09 F qu'il a choisi de redistribuer à trois élus du 18e arrondissement : Claudine BOUYGUES (CP), J. Pierre CAFFET (AMA) et Dominique LAMY (AMA) (bien peu de chose par rapport aux 28 000 F d'écrêtement que Jean TIBERI reverse à 22 élus de son choix), alors que Claude ESTIER (CP du 18e arrondissement et sénateur) a choisi, lui, de faire bénéficier d'une partie du reversement de l'écrêtement 3 élus du 10e : Th. ARGIRO, M. OTTAWAY et P. RICHARDET. Une logique dont la simplicité n'échappera à personne et qui permet à certains élus d'un parti de rémunérer d'autres élus du même parti en embrouillant les cartes d'un arrondissement à l'autre.
Un gage certain de démocratie interne !

Pas du tout :

Les élus qui sont simples conseillers d'arrondissement, soient :
Anne-Charlotte BERGER, Claude CHALLAL, Serge COBLENTZ, Isabelle FLAVEN, Pierre GROS-VELOT, Yves LARVOR, Gabrielle MASS et Serge RENAN.

Jean MARANDON



Radiotrottoir

Large enquête d'opinion auprès des habitants du quartier.
Que pensent-ils de leur arrondissement ? Savent-ils qui en est le maire, et qu'attendent-ils de l'équipe municipale ? Ambiance…

Alexandra A. - prof - 24ans.

J'habite ici depuis 7 mois. Je suis originaire du Canada et enseigne en banlieue Est mais je préfère rentrer ici chaque soir. Je trouve le quartier (du canal) magnifique mais il y a des problèmes vers Strasbourg-Saint-Denis. On m'a piqué ma bicyclette. Je trouve l'endroit vivant pour le mélange des jeunes et des personnes âgées, et des différentes nationalités. Je ne voudrais pas habiter le 7e par exemple parce qu'il y a trop de personnes " snob ", ici il n'y a pas de snobs et je m'y sens bien.

Henriette G. - 71 ans - retraitée.

J'habite dans ce quartier (rue de la Grange-aux-Belles) depuis 1964.
À cette époque le pont tournant était en bois et manoeuvré à la main par les éclusiers avec un treuil comme dans les passages à niveau d'avant. Les berges du canal servaient de parking pour les voitures. Les emplacements étaient délimités par des poteaux en béton avec des grosses chaînes. Puis un ministre, je ne sais plus lequel, a promis de transformer les bords du canal en promenades avec des jardins.
J'ai vu l'hôtel du Nord dans son état ancien et construire les bâtiments neufs de l'hôpital Saint-Louis.
La gestion municipale ? c'est qui le maire ? je vous dirais franchement que la politique je ne suis pas très forte là dessus.
L'évolution du quartier ? je trouve que les trottoirs sont trop petits. Plusieurs fois en revenant des courses avec mes paniers je me suis retrouvée bousculée et dans le caniveau. Il est presque impossible de croiser quelqu'un qui a une poussette.
Avant la construction des nouveaux bâtiments en haut de la rue il y avait une usine désaffectée et mon fils allait y jouer au football avec ses copains. C'était interdit par la mairie mais il fallait bien que les gosses jouent quelque part.
Je trouve qu'il y a moins de commerçants qu'avant. L'épicerie en bas est très chère, c'est plutôt pour le dépannage. Quand je suis arrivée ici, en face c'était une boulangerie, et au coin aussi et plus haut dans la rue aussi, en tout ça fait quatre boulangeries qui ont disparu. Il y avait aussi une charcuterie qui faisait des repas chauds.
La fréquentation du quartier ? je ne sortirais pas après 6 heures !

Christine M. - 42ans - RMiste. (veuve, un enfant)

Il n'y a rien qui bouge ici (rue du Faubourg-du-Temple). Je suis à Paris dans cette rue depuis 23 ans. Toujours en attente d'un appartement de trois pièces. Ma situation est très critique et je m'interroge sur l'efficacité du service social de la mairie.
Le maire de Paris nous a cordialement invités à un repas à l'hôtel de ville au début de l'année. ça s'est passé à la cantine du personnel et la nourriture était exécrable. Il nous a vraiment pris pour des clochards. J'estime que la moindre des choses lorsqu'on est nanti et qu'on a le pouvoir est de respecter les pauvres au lieu d'essayer de se faire bien voir en leur jetant des miettes.
Je souhaite que le centre d'accueil des drogués de la rue Beaurepaire disparaisse pour la sécurité de nos enfants, et que le 10e devienne un quartier tranquille et bien fréquenté. J'ai peur dans les rues et de crainte d'être attaquée je ne sors plus.

Bettina L. - 27 ans - informaticienne.

Je n'ai pas vu grand chose ici depuis un an que j'y habite. Je travaille du côté de Versailles et ne rentre ici le soir que pour dormir. J'aime quand même bien le canal, que je connais depuis longtemps parce que ma tante est du quartier. Je n'ai rien d'autre à signaler.

Agathe D. - 7 ans 1/2 - écolière.

J'habite ici depuis la rentrée des classes avec papa. Ce que j'aime pas c'est les " tags ". Je trouve qu'il y a trop d'immeubles et j'aimerais bien des maisons. Par terre c'est sale, il y a trop de canettes de coca, etc. ils peuvent au moins les mettre dans une poubelle. Moi je vois une poubelle toutes les cinq minutes.
À Paris j'aime bien la Tour Eiffel et la colonne de Juillet (à la Bastille). J'aime bien les bateaux qui passent sur le canal mais il y a trop de voitures et ça pue l'essence.
Je veux bien rester à Paris mais ce qui ne va vraiment pas c'est les poubelles et cette odeur d'essence, et aussi les crottes de chiens. J'aime bien mon école et le câble à l'ordinateur.
Ça y est j'ai tout dit.

Valéry L. - 25 ans - commercial.

Je suis là (boulevard de Magenta) depuis 4 ans. Je ne vois aucune évolution. Depuis qu'il fait beau je viens prendre le frais le long du canal. Les travaux du square (de Verdun) ne me dérangent pas.
Les avantages du quartier : les loyers sont abordables, c'est central dans Paris, on peut encore se garer et les loyers des parkings ne sont pas très chers.
Les inconvénients : le boulevard de Magenta est une véritable autoroute, l'air est très pollué. Le 10e n'est pas très propre, beaucoup moins propre que les autres arrondissements.

Propos recueillis par Jean-Michel Deweer