Éditorial
La Gazette paraît une nouvelle fois avec du retard sur le planning. Vu
de l'intérieur, on a l'impression de travailler à flux tendu, pourtant elle ne paraît
que tous les trimestres.
Le temps est une dynamique protéïforme. Au début de
l'année, deux incendies tragiques ont causé la mort de trois policiers et de trois
habitants. On se dit qu'il faut absolument relater ces événements. Mais deux mois
plus tard, l'émotion liée à ces faits-divers tragiques un peu retombée, que dire
d'autre ? C'est un des avantages de l'écrit que de donner un peu de recul.
Autre émotion, le centre Beaurepaire, mais il y a là beaucoup à dire, cela interroge
la société dans laquelle nous voulons vivre.
On nous a parfois reproché de ne
nous intéresser qu'au canal et d'oublier le reste de l'arrondissement. Nous avons
donc été visiter ses frontières, et même au delà. Petite promenade aux marches du
dixième arrondissement.
Et une bonne nouvelle pour terminer : la brocante
revient !
Secteur Legouvé - Lancry - Poulmarch
Cette opération d'aménagement public a été lancée le 17 décembre 1991. Elle est en cours de réalisation. Deux points sensibles ont mobilisé les associations : l'aménagement de la " pointe Valmy - Poulmarch " et le 59, rue de Lancry. Où en est-on ?
Actuellement
Si le permis de construire déposé sur la pointe Valmy - Poulmarch est gelé - les associations de parents d'élèves reprochaient à la construction envisagée de priver de toute lumière naturelle la cour et les salles de classe du groupe scolaire voisin -, une partie du programme est achevée : celle des logements sociaux des 17, 19 et 21, rue Jean-Poulmarch, et une autre en cours d'achèvement : la construction de l'école maternelle, rue Legouvé, dont l'ouverture est prévue pour la rentrée 1998.
59, rue de Lancry
Les problèmes posés par cet immeuble sont connus depuis longtemps : 1974 (cf. encadré). De mise en demeure en arrêté de péril, d'arrêté de péril en insalubrité, les conditions de vie de quelques 90 personnes qui habitent encore sur les lieux n'ont cessé de se dégrader ; elles ont été décrites dans le n° 21 de La Gazette.
Un tournant
En réponse à une question orale, posée en novembre 1997 par Sylvie Scherer, élue
du 10e et conseillère de Paris, la mairie de Paris écrivait : " Un
processus est engagé afin de permettre l'établissement du dossier des occupants
de bonne foi qui bénéficieront de mesures de relogement adaptées à leur situation.
Une concertation pourra s'établir à cet égard avec les représentants des occupants. "
Cette concertation est maintenant établie avec Monsieur Bertrand, Directeur du logement
et de l'habitat.
Au cours des deux premières réunions, la municipalité a montré
sa volonté de mettre en place une solution positive et conforme aux voeux des associations :
- Les habitants du 59 seront tous relogés (date de référence 01/01/98)
- L'immeuble
sera réhabilité en totalité ou en partie.
- L'OPAC (Office public d'aménagement
et de construction) de la Ville de Paris est l'opérateur désigné en remplacement
de la SEMIDEP.
- Un calendrier a été fixé qui permettra l'ouverture, en
septembre, d'une enquête publique visant à permettre l'acquisition par la ville
de Paris des 11 lots dont elle n'est actuellement pas propriétaire.
- Les
travaux d'entretien seront réalisés.
Par contre, le problème du suivi social,
indispensable pourtant, n'est pas encore réglé.
L'avenir
Un seul point du programme d'aménagement initial reste donc repoussé sine die : l'agrandissement du collège Louise-Michel.
Alain Jouffroy
Beaurepaire, l'opposition radicale
L'ouverture très prochaine d'un centre d'accueil, d'orientation et de soins pour toxicomane au 9 de la rue Beaurepaire soulève dans le sud de l'arrondissement le rejet et l'émotion intense de certains riverains, qui se sont regroupés dans l'association République - Canal Saint-Martin 10e
Il
est normal qu'un tel projet suscite des inquiétudes et des angoisses. La drogue
est un sujet qui fait peur et une image du malaise de notre société. Elle s'accompagne
d'un cortège de problèmes : santé publique, insécurité et délinquance. Devant
un problème complexe et qui fait peur, la réaction est de s'informer, de consulter
des personnes averties, de recueillir des informations sur la réalité des choses
avant de se faire une opinion.
Mais un noyau d'opposants, entre cinquante et
cent personnes qui manifestent tous les samedis matin devant la mairie, s'est
enfermé dans une position de refus radical et hystérique. Lors d'une manifestation,
le président de l'association République - Canal Saint-Martin 10e,
demande : " Si vous faites un article sur nous, ne faites pas comme
les autres journalistes, ne commencez pas par nous traiter de fachos ".
Notre habitude n'est pas de préjuger. Nous avons pu constater un rejet ferme des
membre du FN dans ces manifestations. Le mouvement se veut apolitique. Mais les
mêmes personnes, devant le centre, lancent des " achetés, vendus "
aux partisans de l'ouverture du centre qui étaient venus, à l'appel des Verts
en particulier, dire qu'il y avait d'autres opinions dans le quartier. Les slogans
criés dans les manifestations vont de l'attaque personnelle (" Génération
Dreyfus, génération drogue "), à l'ignorance totale de la réalité (" Pas
de drogue dans le 10e ").
Dans les multiples débats que la
mairie a tenté d'organiser, tout dialogue est impossible. Ce ne sont que cris,
anathèmes, menaces. Les opposants justifient leur bon droit par le fait qu'ils
admettent l'utilité de ce type de centre, à l'hôpital ou dans des zones réservées,
mais pas ici.
La secrétaire de l'association, monopolise pendant une demi-heure
la parole, lors des débats et dans les manifestations, pour lire toute l'abondante
documentation qu'elle réunit sur le sujet, découvrant le problème général de la
toxicomanie dans notre société et, dans un redoutable sophisme, présente l'équation :
drogue égale trafic, délinquance et insécurité ; centre égale drogue, donc…
Les enfants et leur sécurité sont instrumentalisés dans cette affaire. On se jette
au visage des " avez-vous des enfants, Monsieur ? " ;
un non déclenche un concert de aahh entendus qui couvrent toute parole, un
oui est ponctué de criailleries d'incrédulité.
Les menaces n'ayant pas fait
changer d'avis le maire et l'ouverture du centre restant d'actualité, une position
plus constructive serait de participer au comité de surveillance et d'y oeuvrer
pour que les choses se passent au mieux.
Jean-Michel Berthier
La position de La Gazette du Canal
La Gazette a, dès ses débuts, été sensible et a toujours oeuvré pour la prévention en matière de toxicomanie. Nos articles et nos actions ont toujours pris parti en ce sens, sans complaisance aucune. Il va donc de soi, mais nous le répétons, que nous sommes totalement favorables à ce projet qui nous paraît être un outil important en matière de prévention.
Si nous saluons sur le fond un véritable
geste de courage politique de notre député-maire et de l'équipe des élus de la
majorité municipale qui maintiennent une position ferme sur le projet, nous ne pouvons
que déplorer une grossière erreur de communication.
Nous avons trop entendu l'actuelle
majorité, lorsqu'elle était dans l'opposition, fustiger le manque de transparence
de l'ancienne majorité et sa manie de mettre systématiquement les administrés
devant le fait accompli dès qu'un projet était ressenti comme sensible pour ne
pas relever une étrange similitude d'action.
Pouvait-on, sur un sujet aussi
brûlant, prendre les citoyens pour des dupes et leur faire aussi peu confiance ?
L'idée de mettre en place un centre de prévention a été présentée en conseil d'arrondissement
(le 26 octobre 1995, par Serge Renan, délégué à la santé publique, à la lutte contre
le sida et la toxicomanie), sans qu'aucun élu de l'opposition ne réagisse -
M. Coblentz affirme aujourd'hui tomber des nues, mais une absence ne dispense
pas de lire le procès-verbal. Le silence est ensuite retombé sur le dossier.
Un comité de surveillance, regroupant la mairie, la DDASS (Direction départementale
des affaires sanitaires et sociales), l'association Charonne (gestionnaire du
centre), la préfecture de police et le commissariat du 10e, avec les
associations spécialisées et de quartier doit être mis en place dès l'ouverture.
Mais un tel comité, se réunissant sur une base régulière et effectuant un véritable
travail de fond dès le début du projet, aurait sans doute permis de faire passer
le message d'une manière un peu moins choquante. S'il n'est pas garanti que
cela aurait évité de réveiller des hostilités, cela aurait au moins permis une pratique
démocratique un peu plus respectueuse du citoyen.
D'autre part, un point reste
encore escamoté : le drogué se pique ; il crée une nuisance sensible dans
les quartiers : cages d'escaliers transformées en lieux d'injections, vols
de citrons à l'étalage, seringues qui traînent, etc. Si ce type de centre, par
l'échange de seringues, répond au dernier point, il élude le reste.
Les habitants
des quartiers touchés ont compris, confrontés à la réalité des faits, que la politique
du tout répressif à la française avait depuis longtemps fait la preuve de son inefficacité
tant en matière de santé publique que de sécurité. Certains osent attaquer le tabou :
des riverains de la porte Saint-Denis, en 1996, avec La Gazette ; aujourd'hui
à la Goutte d'Or, l'association EGO (Espoir Goutte d'Or), a lancé une pétition
à l'intention du ministère de la Santé qui réclame, après avoir envisagé toutes
les réponses et constaté qu'elles ne sont que palliatives, " l'ouverture
de lieux d'injection, non seulement dans notre quartier, mais dans d'autres
arrondissements de Paris ". Cette question ne pourra pas rester ignorée
si on veut une vraie politique de prévention.
La Gazette du Canal
L'argumentaire des opposants
Extraits de tracts diffusés par l'Association République - Canal Saint-Martin 10e.
[…] De même que le chef d'établissement de l'école de votre enfant, notre
but est de préserver la sécurité des enfants et de leurs parents. […] Pourquoi l'installer
dans un quartier somme toute paisible à l'écart des zones reconnues publiquement
comme sinistrées (porte Saint-Denis, porte Saint-Martin, Gare de l'Est, Stalingrad,
Barbès, etc.) ? […] Les responsables prennent délibérément le risque de drainer
à proximité immédiate de 4 écoles, lycées, collèges et 4 garderies ou crèches (plus
de 1500 élèves) une population dangereuse en provenance de ces différents quartiers
ravagés par le fléau de la drogue avec leurs cortèges de dealers et racketteurs.
[…] L'association Charonne a ouvert une boutique, il y a cinq ans rue Philippe-de-Girard,
dans le 18e arrondissement.
Nous nous sommes informés auprès des riverains
des conséquences de la présence des toxicomanes dans ce quartier.
Ils ont tous
été catégoriques et unanimes. Ce genre d'établissement conduit à une véritable
catastrophe urbaine.
Loin de se responsabiliser et s'insérer dans le tissu
social, les toxicomanes ont au contraire créé un climat d'insécurité insupportable
pour les habitants :
Agressions à l'arme blanche (couteau, cutter), menaces
à la seringue, vols, rackets, agressions sexuelles, insultes, utilisations détournées
des lieux privés et publics, absence totale de pudeur.
Rien n'est épargné à
personne, pas plus aux enfants qu'aux personnes âgées, victimes privilégiées,
car plus vulnérables.
[…] Vous comprendrez que l'existence de deux pôles de
toxicomanie (l'une au Nord, près de Stalingrad, l'autre au Sud, dans notre quartier)
va livrer l'ensemble de l'arrondissement au domaine de la drogue.
[…] Dans
notre République, il ne doit pas y avoir transfert de souveraineté entre la majorité
des citoyens et le Maire que nous avons élu.
Le pouvoir reste aux citoyens et
le Maire a le devoir et l'obligation constitutionnelle de nous représenter et
de nous respecter plutôt que de plaider la cause de l'association Charonne.
Le centre Beaurepaire
Informations pratiques.
Le centre d'accueil de jour qui va s'ouvrir rue Beaurepaire, offrira des
prestations d'urgence, une écoute, un accueil éducatif et médico-social. Son but
est de récréer un lien avec des personnes touchées par la toxicomanie, marginalisées,
en situation de détresse physique et psychique, ne fréquentant pas les institutions
sanitaires et sociales.
Le centre, ouvert le jour seulement (de 10h à 18h), propose
aux usagers de drogue':
- un accueil, une écoute et un soutien psychologique,
-'des soins infirmiers et des consultations médicales,
- la possibilité de
prendre une boisson chaude, de se laver, et de laver du linge,
- des actions
d'information, de prévention et de réduction des risques,
- une orientation
vers les différentes structures existantes du réseau sanitaire et social,
- une
possibilité d'accès aux soins, à la substitution et au sevrage,
- un accompagnement
social et une médiation,
- des conseils juridiques et administratifs.
L'équipe
du centre se compose d'un chef de centre, de cinq éducateurs (4 plein-temps),
d'une assistante sociale, d'une infirmière à mi-temps et d'un médecin en vacations.
Un comité de surveillance et de suivi sera mis en place dès l'ouverture, comprenant
des représentants de la DDASS, de la préfecture de police, de la mairie, de l'association
Charonne, des écoles (enseignants, parents d'élèves) des professionnels de santé,
des associations représentatives des habitants et des commerçants.
Ce centre
s'inscrit dans le cadre d'une convention générale passée entre l'État et la
Ville de Paris en 1996. Le financement et le contrôle sont assurés par l'État,
par l'intermédiaire de la Direction des affaires sanitaires et sociales de Paris.
Le centre est animé et géré par l'association Charonne, fondée en 1972 et qui
en gère déjà plusieurs.
Ce type de centre existe déjà. Il y en a actuellement
32 en France, et 3 à Paris (dans les 14e, 18e et 19e
arrondissements).
Deux nouvelles écoles dans le 10e
Ça bouge dans le 10e : deux nouvelles écoles. Ce sont les enfants qui vont être contents. Où vont-ils aller à la prochaine rentrée (septembre 98) ? De nombreuses familles ont reçu début mars un courrier du maire du 10e, leur annonçant la nouvelle école d'affectation de leur enfant. Certains sont surpris, d'autres inquiets. Cet article vous explique la situation.
Deux écoles sont en construction actuellement,
une école maternelle rue Legouvé, et une école primaire rue de l'Hôpital-Saint-Louis.
ça ne correspond pas seulement à des créations de classes. Le nombre d'élèves
dans l'arrondissement aurait même d'ailleurs tendance à baisser, après plusieurs
années de forte augmentation. L'intérêt des nouvelles écoles, c'est aussi d'avoir
plus de locaux, et que les enfants soient moins entassés dans les écoles existantes.
L'ensemble de la rue de Marseille et de la rue Jean-Poulmarch (école maternelle,
élémentaire, et collège Louise-Michel) sont pleins. On a dû installer des salles
de classe dans des préfabriqués sur le toit et sur le terrain voisin. La maternelle
va donc être déplacée rue Legouvé, pour laisser plus de place à l'école élémentaire
et au collège. La création de l'école élémentaire Saint-Louis va permettre de
libérer de la place dans les écoles voisines.
Comme vous le savez sûrement, pour
les écoles maternelles, élémentaires, et pour les collèges, il y a une carte scolaire.
Chaque école a un périmètre (un certain nombre de rues), et accueille les enfants
habitant dans ce périmètre. Ce système n'est plus appliqué en lycée : on
va alors dans l'établissement de son choix. Avec ces deux nouvelles écoles, les
périmètres du sud-est de l'arrondissement vont changer, en maternelle et en primaire.
On réduit les périmètres des écoles les plus chargées, et on en profite, par exemple,
pour éviter de faire traverser le canal aux enfants.
Voici le résultat. La nouvelle
maternelle Legouvé reprend le périmètre de la rue de Marseille, avec, en plus, un
petit morceau du périmètre de l'école des Récollets (dont la rue Legouvé bien
entendu). Par contre, les élèves qui traversaient le canal pour aller rue de Marseille
iront désormais rue Parmentier. On notera qu'il y aura moins d'enfants à la
rentrée dans cette école, suite au relogement de tous les enfants du 5/7 rue Louvel-Tessier.
La nouvelle école élémentaire Saint-Louis aura son périmètre entièrement pris sur
celui des écoles environnantes (Claude-Vellefaux, Eugène-Varlin, et Parmentier).
L'école élémentaire Parmentier se rattrape sur la rue de Marseille, comme en maternelle.
L'école élémentaire Claude-Vellefaux se rattrape, elle, sur Eugène-Varlin. Et
Eugène-Varlin se rattrape enfin sur l'école des Récollets, sur l'école Aqueduc
et sur l'école élémentaire La Fayette.
Qu'on se rassure tout de suite, les
parents peuvent demander une dérogation s'ils ont une difficulté. En particulier
la présence de frères et soeurs dans la même école ou groupe scolaire reste un motif
valable. M Goasguen, adjoint de M. Tiberi, a promis que la construction des écoles
serait finie pour la rentrée de septembre. Comme tout le monde peut voir les bâtiments
en travaux, on vous montre le dessin de la façade, quand ce sera tout beau, tout
fini. Un seul regret, les cuisines des nouvelles écoles seront des " unités
de réchauffage " : les plats arrivent tout préparés. ça coûte moins cher
à construire (pour l'Hôtel de Ville) mais plus cher à exploiter (pour la Caisse
des écoles du 10e).
Daniel Broc et Sylvie Antonin