La Gazette du Canal N° 22 - Actu

(hiver 1997/1998)

Le journal de tout le 10e arrondissement de Paris

Éditorial

Un dossier un peu particulier dans ce numéro. Impressionnés par la journée de circulation alternée de cette fin d'été, nous avons voulu parler de la circulation et la pollution. Mais, si l'on excepte le nuage radioactif de Tchernobyl, les émanations toxiques de l'atmosphère ne connaissent pas vraiment de frontière, ce qui nous fait écorner un peu l'aspect local.
L'actualité du quartier, c'est bien sûr avant tout le 5/7, et sa chronique d'un drame bien souvent annoncé.
La consultation sur l'avenir du couvent des Récollets est terminée. Elle laisse un goût un peu amer aux associations qui trouvent que la consultation a été quelque peu bâclée. Les dés semblaient jetés dès l'origine.
Des contretemps ont retardé la sortie de ce numéro. Ce qui nous amène à souhaiter à tous nos lecteurs et à toute notre équipe, avec un peu de retard, tous nos voeux de bonne année et surtout de bonne santé pour 1998.



Le 5/7, rue Jacques-Louvel-Tessier

Ce bâtiment est un immeuble insalubre et frappé d'une interdiction d'habiter depuis mai 1997. Depuis la chute d'un plafond, survenue le 30 septembre 1997 et qui a blessé légèrement une personne, une partie des habitants vivent et dorment dans des tentes dressées dans la rue, au pied de la bâtisse.

Leur première revendication était d'obtenir l'application de la loi Vivien (cf. encadré) dont l'objet est de faciliter la suppression de l'habitat insalubre. C'est chose faite. La mise en oeuvre de cette procédure a été adoptée par le conseil d'arrondissement du 9 octobre 1997, puis par le conseil de Paris, le 20 octobre. Elle prévoit, après relogement, et démolition de l'immeuble, la construction sur l'emplacement de logements sociaux de type PLA.

Une opération exemplaire

Le 27 novembre 1997, lors d'une réunion avec les associations (5/7 autrement et SOS 5/7) qui représentent les occupants, la mairie de Paris et la préfecture se sont engagées à faire de cette opération une opération exemplaire, à coopérer avec les associations, à reloger toutes les personnes présentes dans l'immeuble en juin 1997 (ce que prévoit la loi) et à nommer un responsable pour assurer le suivi de l'immeuble.

Il faut attendre

Les premiers relogements ne pourront toutefois pas avoir lieu avant le mois d'avril 1998. En effet, la procédure laisse la possibilité d'un recours des propriétaires (cf. encadré). Les habitants ont décidé de poursuivre leur campement dans la rue jusqu'au relogement de tous. En attendant, la vie s'organise et des activités sont proposées, par exemple aux enfants : sortie au cirque, arbre de Noël… et soutien scolaire.

Un drame annoncé

Le dimanche 28 décembre, à 7 h du matin, un incendie s'est déclaré au 6e étage de l'immeuble, du côté 7. Un occupant, un homme de 50 ans, est décédé dans l'incendie.
Les personnes qui ne pouvaient regagner leurs logements ont refusé les hôtels ou foyers d'accueil qui leur étaient proposés. Ils ont décidé de rester sur place et d'occuper la rue jusqu'au relogement définitif .
Cet accident malheureux a accéléré la procédure. Dès le lundi 29, le préfet signait l'arrêté de déclaration d'utilité publique autorisant l'expropriation de l'immeuble au profit de la ville.
Au 8 janvier, une vingtaine de ménages ont reçu ou vont recevoir des propositions de relogement (pour moitié par la ville et pour l'autre moitié par la préfecture de Paris).
Sont concernés 3 ménages vivant déjà à l'hôtel et les personnes occupant les 5e, 6e et 7e étages qui ne sont plus habitables.
Michel Bulté, adjoint au maire de Paris chargé du logement a déclaré : « il ne faut pas faire du 5/7 rue Jacques-Louvel-Tessier un combat politique, mais un relogement réussi. »
Il est indispensable que cette déclaration de principe soit mise en pratique et que le relogement des habitants du 5/7 se réalise dans les meilleurs délais afin d'éviter un nouvel accident.
Il est tout aussi indispensable que cette même volonté municipale et préfectorale s'applique aussi aux habitants de l'immeuble municipal 59, rue de Lancry dont les conditions d'habitation sont tout aussi périlleuses.

Alain Jouffroy

La loi " Vivien " (extraits)
Loi n° 70-612 du 10 juillet 1970.

Tendant à faciliter la suppression de l'habitat insalubre.

Titre Ier. - Dispositions relatives à l'insalubrité […]

Titre II. - Dispositions relatives à l'expropriation

13. « Peut être poursuivie au profit de l'État, d'une collectivité locale, d'un établissement public ou d'un des organismes visés à l'article L.312-1 » dans les conditions prévues par le présent titre, l'expropriation :
Des immeubles ayant fait l'objet de l'interdiction d'habiter […].
Des terrains sur lesquels sont utilisés aux fins d'habitation des locaux ou installations impropres à cet objet pour des raisons d'hygiène, de sécurité ou de salubrité […].
L'expropriation doit avoir pour but soit la construction de logements, soit tout objet d'intérêt collectif relevant d'une opération d'urbanisme […].

14. Par dérogation aux dispositions de l'ordonnance n° 58-997 du 23 octobre 1958 portant réforme des règles relatives à l'expropriation pour cause d'utilité publique, le préfet, par arrêté : […] Mentionne les offres de relogement faites obligatoirement aux occupants y compris les propriétaires, qu'il s'agisse d'un relogement durable ou d'un relogement d'attente avant l'offre d'un relogement définitif ; […].

16. Dans le délai de deux mois à compter de la publication de l'arrêté visé à l'article 14, délai réduit à un mois si ledit arrêté comporte interdiction d'habiter […], chaque propriétaire peut s'engager vis-à-vis de l'expropriant à procéder lui-même à la suppression des bâtiments et installations visées dans cet arrêté, à la remise en état des sols et au relogement des occupants, [soit] à sa propre diligence, […].



Vers une extension du Jardin Villemin ?

La parcelle située au coin de la rue des Récollets et du canal Saint-Martin est actuellement en friche. Son aménagement repose sur une alternative : y construire des bâtiments de 5 à 6 étages et/ou y agrandir le jardin public.

option 1Option 1 : construire

C'est la première solution, celle retenue par la ville de Paris dès 1993. Un permis de construire sur ce terrain de 2 160 m2 a été accordé le 22 février 1994 pour un programme de 6 280 m2 (dont 74 logements destinés principalement au personnel soignant de l'AP-HP - Assistance publique - Hôpitaux de Paris) qui avait fait l'objet d'un contrat de vente en l'état futur d'achèvement (le 15 juin 1993) entre la SINVIM (promoteur privé) et l'Assistance publique.

Option 2 : Agrandir le jardin

option 2Devant la mobilisation des riverains (et des élus du 10e), le maire de Paris semble décidé à revoir à la baisse le programme de construction afin de " répondre aux préoccupations qui se sont exprimées localement " (sic). Il a, à sa demande, été autorisé (conseil d'arrondissement du 1/12/97 et conseil de Paris du 08/12/97) à poursuivre les négociations déjà engagées avec l'AP-HP en vue de l'acquisition de 1 400 m2 de terrains destinés à agrandir le jardin public Villemin. Dans l'hypothèse où ces négociations aboutiraient, le programme immobilier de l'AP-HP serait limité à la construction d'un seul bâtiment (44 logements) entre les deux immeubles déjà existant rue des Récollets. En échange, la ville permettrait à l'AP-HP d'acquérir d'autres emprises communales afin de réaliser l'ensemble de son projet de construction.

Un avenir encore incertain

La surface du jardin passerait donc de 16 500 m2 à 17 900 m2 environ.
Quel sera le résultat des négociations ?
Quel sera le coût de l'acquisition/échange ? (25 MF ?)
Comment la SINVIM va-t-elle s'acquitter de sa dette envers l'AP-HP ? (90 à 100MF ?)
Quand le jardin sera-t-il agrandi ?
À quelle date une concertation publique sur son réaménagement sera-t-elle engagée ?
Beaucoup de points d'interrogation pour un terrain sur lequel le permis de construire initial reste toujours valable. La vigilance des riverains ne doit pas se relâcher !

Jean Marandon



Points de vue et images du 10e

Élections régionales

Elles auront lieu en mars 1998. Au moins deux candidats représenteront le 10e arrondissement lors de ces élections :
Thierry Argiro, élu à la mairie du 10e chargé de l'action sociale et de la prévention de la délinquance, qui est en 26e position sur la liste du PS.
Véronique Dubarry, candidate des Verts dans notre circonscription aux élections législatives de 1997, qui est en 6e position sur la liste des Verts Paris écologie.
Ces positions ne sont qu'indicatives, les négociations étant toujours en cours pour la constitution de listes communes.

Lu dans la presse

Le Canard enchaîné

Si Claude-Gérard Marcus y a déjà été épinglé, notre député-maire et ancien ministre n'y est pas non plus épargné : " Autre handicap à gauche, les nouveaux maires d'arrondissement n'ont pas toujours la flamme militante. Le maire du 10e, Tony Dreyfus, surnommé "Toto Gomina" n'est guère présent dans sa circonscription. Cet avocat d'affaire a mieux à faire que de serrer des louches. Ce qui, dit-on, n'empêche pas ce rocardien de rêver au fauteuil de maire de la capitale. " peut-on lire dans le dossier n° 65 du Canard consacré à la mairie de Paris (Octobre 1997).

Le Parisien

Lors de la discussion à l'Assemblée du projet de loi sur l'immigration, Le Parisien du 4 décembre 1997 a consacré une double page aux 60 communautés qui se côtoient dans le 10e arrondissement. L'article commence ainsi : " Ce n'est peut-être pas un hasard si le 10e s'est donné "un vieux juif turc", comme se définit lui-même Tony Dreyfus, pour maire d'arrondissement ", avant de décrire les actions menées par la mairie vers les communautés étrangères.

Le Monde

Ernest-Antoine Seillières a été élu à la présidence du CNPF en décembre dernier. Le Monde du 17 décembre 1997 lui consacre un article en forme de biographie. On y découvre que le patron des patrons " affirme garder le meilleur souvenir du dialogue noué avec le gouvernement de Michel Rocard, à qui il avait été présenté lors d'un dîner organisé par un ami commun, l'avocat Tony Dreyfus ". En toute simplicité.

Le bon mot de l'automne

Lors de l'inauguration de l'exposition " Ici et ailleurs ", à la mairie du 10e, à laquelle participait notre Jean Grongrongnon, le maire, Tony Dreyfus, lyrique, a souligné dans son discours : " […], et Jean Marandon, la statue du Commandeur de nos conseils d'arrondissement, figure de proue de l'arrondissement […] ".
Réponse de l'intéressé : " Il ne faut pas en déduire qu'on peut me mener en bateau… ".



Quartiers tranquilles

C'est sur le thème : " Les déplacements à Paris, le libre choix " que la maire de Paris, Jean Tiberi, a défini, le 21 novembre 1996, les grandes lignes de la politique municipale en matière de circulation pour les années à venir. Parmi les mesures annoncées figure la création de dix " quartiers tranquilles " par an pendant cinq ans. Un de nos collaborateurs, Jean Marandon, président de l'Association de défense de l'îlot Legouvé-Lancry, propose la création d'un tel quartier tranquille dans le sud-est de l'arrondissement, c'est pourquoi nous avons choisi de l'interroger.

La Gazette : Qu'est-ce qu'un quartier tranquille ?

Jean Marandon : Un quartier tranquille n'est ni une zone piétonne, ni une zone d'accès restreint. Il ne s'agit pas de contrôler l'accès des véhicules ni de dissuader les livraisons, mais de réduire et calmer la circulation, en particulier la circulation de transit, de favoriser la circulation des piétons et des vélos, de rendre le quartier plus agréable.
Les principes d'aménagement retenus par la municipalité sont les suivants :

- traitement des entrées de quartiers
- modification des sens de circulation
- rétrécissement ponctuel de chaussée, création de voies à chaussées étroites
- limitation de vitesse à 30 km/heure
- mise en place d'une signalétique particulière
Ces mesures seront complétées par divers aménagements tels que des élargissements de trottoirs, des traitements de points singuliers afin de favoriser particulièrement les déplacements piétonniers sur certains itinéraires.

Nous y sommes tout à fait favorables et les propositions de l'association s'inscrivent dans ce cadre.

La Gazette : Existe-t-il déjà des quartiers tranquilles dans le 10e arrondissement ?

JM : Le premier programme " 1997 " de 10 quartiers tranquilles vient d'être lancé. Il sera réalisé en 1998. Aucun des sites retenus ne se situe dans le 10e, pourtant, si l'on calcule naïvement une moyenne (50 quartiers tranquilles pour 20 arrondissements) notre arrondissement peut prétendre à la création de 2,5 quartiers tranquilles. Il ne faut pas que le 10e soit oublié !

La Gazette : Pouvez-vous décrire le projet de l'association ?

JM : Nous voulons rendre le quartier plus agréable tout en préservant la multiplicité de ses usages. Nous proposons donc de fermer certaines voies à la circulation générale, telle la rue Legouvé et une partie de la rue Poulmarch afin d'assurer la sécurité des élèves ; de rendre la place Jacques-Bonsergent " piétonne " pour plus de convivialité ; de réduire la circulation à une seule file et d'élargir les trottoirs, par exemple rue de Lancry où il passe plus de piétons que de voitures et dans certaines voies sous calibrées : rue de Marseille, rue Yves-Toudic et rue Beaurepaire. Tout ceci accompagné des mesures citées en encadré.
Les services de la voirie, que nous avons rencontrés en octobre, considèrent ce projet réaliste, mais sont réservés sur les élargissements de trottoirs dont le coût est élevé. Ils envisagent aussi la possibilité d'aménagements complémentaires, par exemple l'inversion du sens de circulation rue des Vinaigriers et la mise en sens unique vers le canal de la rue des Récollets avec création d'une piste cyclable à contresens.

La Gazette : Quels soutiens recevez-vous ?

JM : C'est le maire de Paris qui nous a proposé de rencontrer les services de la voirie. Le maire du 10e soutient aussi ces propositions, et écrivait à ce sujet au maire de Paris : " Je vous remercie de faire en sorte que la concertation soit fructueuse de manière à ce que des propositions puissent être faites dans les plus brefs délais concernant ce secteur ". Enfin, une pétition de soutien à ce projet a reçu plus de cinq cent signatures dont celles de 70 commerçants du quartier et de nombreux parents d'élèves.
Ceci nous laisse espérer que nos propositions pourront être retenues pour être réalisées dans ce programme 1998.



Le couvent des Récollets passe au rapport

Nous avions annoncé dans le dernier numéro de La Gazette du Canal qu'un rapporteur avait été nommé pour se pencher au chevet du couvent. Antoine Grumbach n'a pas encore remis ses conclusions, mais il devrait le faire vers le milieu du mois de janvier. Bien sûr, nous espérons tous que son approche dépassera le rapport du médecin légiste.

En avant-première, nous pouvons donner quelques renseignements nouveaux sur une réhabilitation qui est chère à toute l'équipe de La Gazette. D'abord voici un extrait de la lettre de mission, signée Jean-Claude Gayssot, ministre de l'Équipement, des Transports et du Logement, adressée à Antoine Grumbach : " Afin de définir le devenir de ces bâtiments, et après concertation avec l'ensemble des ministres concernés, j'ai décidé d'engager une mission de réflexion destinée à dégager les grandes lignes d'un projet de réhabilitation recueillant un large consensus de l'ensemble des parties intéressées. […] votre réflexion prendra en compte l'objectif d'une intégration de ce lieu dans la vie du quartier et proposera, dans des proportions raisonnables, l'aménagement d'espaces à vocation culturelle et scientifique, en tenant compte des contraintes de faisabilité, techniques et financières, liées à la réhabilitation de ces bâtiments. […] Vous engagerez à cet effet une large concertation avec les représentants de la mairie du 10e arrondissement et de la ville de Paris, ainsi qu'avec les associations concernées ".
Comme on le voit, les interlocuteurs locaux sont pris en compte, puisque la lettre parle " d'une intégration de ce lieu dans la vie de quartier " et " d'une concertation avec les associations concernées ".
Il était donc normal que La Gazette du Canal donne son point de vue à Antoine Grumbach. Nous l'avons rencontré le 24 novembre dernier, avec une autre association, Récollets, coeur du Xe. Pour l'instant, nous nous sommes refusés à soutenir un projet plutôt qu'un autre, mais nous militons pour qu'un certain nombre de critères soient pris en compte : la sauvegarde et la réhabilitation du couvent, le réaménagement du quartier (esplanade côté gare et jardin côté canal), une affectation répondant à un objectif d'intérêt général, une ouverture sur l'arrondissement avec une partie des locaux réservée à l'usage des habitants du quartier.
L'heure n'est plus aux projets tous azimuts, mais à ceux qui ont la plus grande cohérence et une possibilité de financement. Or il semblerait que deux projets sortent du lot : celui de Jean-Jacques Aillagon, président du Centre Pompidou, qui propose de réaliser des logements et des ateliers pour artistes de passage à Paris, avec, comme ouverture sur le quartier, des ateliers de création. Ce projet semble financièrement adossé, mais d'une façon un peu curieuse : La RIVP (Régie immobilière de la ville de Paris), qui dépend de l'OPAC de Paris, et qui construit des immeubles sociaux, financerait ici un projet dont le caractère social reste à démontrer. De plus, les grands volumes du couvent des Récollets seraient saucissonnés. Enfin, l'ouverture sur le quartier semble particulièrement maigre par rapport aux fortes attentes des habitants de cette partie de la capitale.
Le second projet, initié et mené depuis plusieurs années par Jean-Pierre Faye, universitaire et philosophe de renommée internationale, propose la création d'un Centre européen de la culture. S'appuyant sur la situation géographique des Récollets, à la fois dans Paris (près des gares) et en Europe (au coeur de la dorsale européenne), le projet essaie d'intégrer différents organismes et observatoires ayant un rayonnement sur l'ensemble du continent. Cependant, ce projet devrait faire appel à une participation financière des pouvoirs publics. Or, ces derniers freinent les dépenses depuis quelques années. Ce projet est actuellement retouché et remis en forme par un collectif de personnes et d'associations qui veulent le rendre plus crédible.
Affaire à suivre, dont nous vous rendrons régulièrement compte (conte ? ) dans les prochains numéros.

Benoît Pastisson