La Gazette du Canal n° 19 - Dossier

(printemps 1997)

Le journal de tout le 10e arrondissement de Paris

La santé dans le 10e

Introduction

La Gazette a décidé d'ausculter le 10e
Notre arrondissement, très célèbre pour ses artères, est peut-être un peu moins connu pour sa santé. Notre infrastructure hospitalière est très ancienne, très importante et jouit d'une renommée internationale.

Quatre hôpitaux sont implantés dans le coeur de notre arrondissement depuis très longtemps.

L'hôpital Saint-Lazare, sis au 107 de la rue du Faubourg-Saint-Denis, est le plus ancien. Sa création remonte avant Charles V, par contre, son infrastructure hospitalière est très récente et ne concerne que la gastro-entérologie.

L'hôpital Saint-Louis, au 1 de l'avenue Claude-Vellefaux, le plus ancien en tant qu'hôpital, est le plus célèbre. Il fut créé en 1607 et la première messe en la Chapelle Saint-Louis, dite à l'intention du repos de l'âme du Roy Henri IV qui venait d'être assassiné, correspond avec l'inauguration de 1'hôpital en 1610 ; depuis il fonctionne en prenant de l'importance au fil des ans et est devenu aujourd'hui un établis-sement très en pointe et reconnu dans le monde entier pour son sérieux et ses spécialités.

L'hôpital Lariboisière situé au 2, rue Ambroise-Paré, est beaucoup plus récent. Il fut construit entre 1846 et 1853 et changea quatre fois de nom. D'abord hôpital " du Nord ", ensuite " Louis-Philippe ", puis " de la République ", encore " du Nord " et enfin " de Lariboisière " en 1854 en hommage à la Comtesse Elisa Roy de Lariboisière qui fit un don important permettant son achèvement. Cet établissement est une pièce majeure de l'infrastructure hospitalière de Paris. D'une très grande superficie il jouit également d'une grande renommée et possède plusieurs services de pointe.

L'hôpital Fernand-Widal, au 200 de la rue du Faubourg-Saint-Denis, est le digne successeur de la maison municipale de santé qui avait été installée en 1802 dans les bâtiments de 1'hôpital du Saint-Nom-de-Jésus rue du Faubourg-Saint-Martin par son fondateur qui voulut rester et qui est resté inconnu. En 1816, il fut transféré au 110 rue du Faubourg-Saint-Denis dans l'édifice principal du couvent des Filles de la Charité, il resta à cet emplacement jusqu'en 1858 sous le nom de " Maison royale de santé ", date à laquelle il s'installa à son emplacement actuel au 200, rue du Faubourg-Saint-Denis. Hôpital de capacité moyenne, il possède plusieurs services de pointe, dont le plus connu est le centre antipoison.

Alain Jouffroy



Urgence pour les urgences de l'hôpital Saint-Louis

Le Conseil d'Administration de l'AP (Assistance Publique) a voté, le 25 Juin 1996, la fermeture progressive du service des urgences de l'hôpital Saint-Louis

Cette fermeture fait partie d'une réforme générale de l'organisation des urgences. Une telle réforme est sans doute nécessaire pour répondre aux besoins et à l'attente des usagers : la durée moyenne de l'attente dans les services parisiens peut en effet être supérieure à une heure. Mais la fermeture des urgences à Saint-Louis correspond plus à une politique de diminution des crédits publics de santé, au détriment des besoins des usagers.

Les 30 000 urgences accueillies chaque année à Saint-Louis correspondent aux besoins d'une population de 400 000 habitants (Nord-Est de Paris et proche banlieue). Ces 30 000 cas seraient transférés sur Lariboisière, qui en accueille déjà plus de 45 000 et est proche de la saturation. Les prises en charge sont par ailleurs en augmentation, en relation avec le développement de la précarité. Est-il utile de regrouper deux des quatre principaux sites d'accueil de l'AP, alors que, de l'aveu même du directeur général de l'AP " au-delà de 50 000 urgences par an, un service d'urgences ne peut pas fonctionner correctement " ?

Dans un hôpital, le service des urgences fait partie du projet médical de l'établissement. Les services de pointe de l'hôpital Saint-Louis sont réputés (cancérologie, traitement des immuno-déprimés…). Le développement de ces spécialités prestigieuses doit-il se faire au détriment des urgences générales ? La sécurité que procure la proximité est d'ailleurs un des facteurs de l'attachement de la population au service d'urgences de Saint-Louis.

Pourtant, l'AP a fermé récemment 30 lits de médecine générale à Saint-Louis, lits nécessaires pour les hospitali-sations provenant des urgences. Paradoxalement d'ailleurs, des fermetures ont aussi été effectuées à Lariboisière, censé accueillir plus de malades à l'avenir. L'AP envisage, en outre, de fermer les urgences de Saint-Louis la nuit, ainsi que de prier le SMUR, les pompiers ou la police, d'amener les malades non plus à Saint-Louis, mais à Lariboisière.

Un " Comité de sauvegarde des urgences de l'hôpital Saint-Louis " s'est mis en place à l'initiative de professionnels de santé, de mutualistes, de syndicalistes, d'associations et d'usagers, en liaison avec les élus. Il demande le maintien du service des urgences, ainsi que la réouverture des 30 lits de médecine générale.

Une pétition circule, disponible à l'adresse suivante :

Comité des urgences de l'hôpital Saint-Louis,
Alain Claquin, hôpital Saint-Louis,
1, avenue Claude-Vellefaux
75010 Paris.

Restons fidèles aux urgences de l'hôpital Saint-Louis,
elles sont bien ouvertes !

Daniel Broc



Une affaire de secteurs

Tous les médecins sont théoriquement égaux face à leur savoir mais pas face à leurs prix.

Jusqu'à la fin des années 70, la situation était simple : les caisses de sécurité sociale remboursaient 70 % de la consultation pour les médecins conventionnés et quasiment rien pour les non-conventionnés. Mais, alors que Raymond Barre était premier ministre, la sécu et les praticiens ont signé une nouvelle convention médicale : les médecins conventionnés (tant généralistes que spécialistes) peuvent alors choisir entre deux secteurs. Font partie du secteur 1 les médecins qui acceptent de demander des prix fixés par la sécurité sociale. Pour la consultation, le remboursement est de 70 %. Font partie du secteur 2 les praticiens qui souhaitent faire des dépassements. Ils ont toute liberté pour fixer leur tarif, mais le remboursement de la caisse d'assurance maladie se fait sur la base du prix fixé en secteur 1. Prenons un exemple : supposons que le prix de la consultation fixé par la caisse soit de 100 F. Le docteur Dupont, secteur 1, est obligé de demander 100 F. Le patient sera remboursé 70 F. Le docteur Durand, secteur 2, est libre de choisir son tarif. Supposons que sa consultation soit de 160 F. Comme pour le premier cas, le patient ne sera remboursé que 70 F. Mais alors y-a-t-il un critère particulier pour s'installer secteur 2 ? Jusqu'à 1989, aucun ! Le choix ne se fait pas sur un critère de compétence, mais sur un choix personnel, puisque l'accès est possible à tous ceux qui le souhaitent. Cependant, à la fin des années 80 (Claude Evin était alors ministre de la santé), une nouvelle convention est signée : plus aucun médecin ne peut s'installer en secteur 2 à l'exception des anciens chefs de clinique. Pour la première fois, c'est l'apparition d'un critère qualitatif. Mais il n'y a pas de rétroactivité : les anciens secteurs 2 peuvent le rester (toutefois, ils ont des cotisations plus élevées que leurs confrères en secteur 1). Résultat : la quasi totalité des médecins actuellement en secteur 2 le sont depuis les années 80, par choix personnel. De plus, ils sont fortement implantés dans les zones " riches " de France, à savoir en région parisienne (tous les ORL du 10e sont secteur 2 !) et sur la côte d'Azur. Dans la France rurale, ce secteur est rare.

Actuellement, pour le secteur 1, les tarifs de consultation sont les suivants : 110 F pour les généralistes, 150 pour les spécialistes hors psychiatrie, et 225 F pour cette dernière.

Par ailleurs, depuis le second semestre 1996, les médecins sont obligés d'afficher dans la salle d'attente leur tarif. Mais une fois ce seuil psychologique franchi, beaucoup de patients n'osent plus faire demi-tour. Le mieux ne serait-il pas de l'indiquer à côté de la plaque, afin de voir le prix dans la rue, comme pour les coiffeurs ou les hôtels ?

Ci-joint une liste des praticiens du 10e dans 4 spécialités avec leur secteur et leur tarif. Par le Minitel (3615 code LASECU), menu annuaire des professions de santé, on peut trouver le secteur mais pas les tarifs de consultation. Par contre, il est inutile d'appeler le Conseil de l'Ordre des médecins, car il refuse de donner ce type de renseignement. S'agirait-il d'une maladie couverte par le secret professionnel ?

Benoît Pastisson

Liste de praticiens libéraux du 10e
(source : minitel 3611)

Dermatologues Secteur Tarif consult.*
Binet Olivier - 35 bd de Magenta
01 42 08 49 72
2 310 F
Bonnefond Bernard - 132 rue La Fayette
01 42 46 45 22
2 230 F
Centre Sabouraud - 2 pl. Dr-Alfred-Fournier
01 42 49 39 39
? 150 F
Chanteau Marie - 6 bd de Strasbourg
01 42 06 78 76
1 140 F
Interligator Daniel - 6 bd de Magenta
01 42 40 79 39
2 250- 270 F
Janvier Evelyne - 127 rue La Fayette
01 48 78 22 33
2 240 F
Sebban Martine & Smadja Catherine -
48 bis quai de Jemmapes 01 42 45 85 41
2 230 F
Pédiatres    
Azema Lydie - 12 rue de Beaurepaire
01 42 49 55 48
2 260 F
Bosquier Guy - 90 rue du fg du Temple
01 48 78 20 26
2 250 F
Demay Gérard - 2 rue Albert-Camus
01 42 49 54 82
2 210 F
Le Henand Chantal - 58 bd de Strasbourg
01 40 35 63 70
1 140 F
Lecourtier Isabelle - 19 rue Eugène-Varlin
01 42 05 12 34
1 140 F
Sion Richard - 9 bd de Magenta
01 42 08 73 95
2 230 F
Tassel Dominique - 43 bd de Strasbourg
01 45 23 32 34
1 140 F
Gynécologues    
Abbou-Fajerman Josée - 110 r fg-Poissonnière
01 42 81 50 86
2 300 F
Bailleul Sylvie - 77 rue fg-St-Denis
01 45 23 28 76
2 +-250 F
Brochard Laure-Anne - 221 rue La Fayette 2 250 F
Cazin-Bussac Monique - 221 rue La Fayette
01 46 07 52 03
2 250 F
Guerre-Lebhar Nicole - 221 rue La Fayette
01 42 05 44 38
1 140 F
Krulik Danielle - 66 bd de Magenta
01 46 07 09 41
2 400 F
Lavolé Véronique - 58 bd de Strasbourg
01 46 07 40 97
2 230 F
Magimel Mireille - 150 bd de Magenta
01 48 78 30 05
2 250 F
Marzouk Gérard - 8 bd St Denis
01 42 40 30 00
2 250 F
Siger Dominique - 115 bd de Magenta
01 45 26 01 92
2 290 F
Thieblot Geneviève - 152 rue La Fayette
01 40 36 27 90
1 140 F
Van Viet - 8 bd de Strasbourg
01 42 39 35 35
2 300 F, puis 250 F
Waserman Céline - 18 bd de Magenta
01 42 08 98 52
2 230 F
Zitoun Pierre - 127 rue Lafayette
01 48 78 22 33
2 350 F
O.R.L.    
Bringard Michel - 132 rue La Fayette
01 48 24 62 02
2 220 F
Janssen Bernard - 96 rue de Maubeuge
01 42 85 44 10 2
  200 F
* fournis pas le médecin ou la secrétaire médicale.
Pour les secteurs 2, les prix sont libres. Les tarifs peuvent varier d'un client à l'autre.
Pour les généralistes, les autres spécialités et les actes spécifiques, renseignez-vous auprès du praticien.


Saturnisme infantile

Voilà 10 ans que cette maladie de l'enfant, pratiquement oubliée de tous les médecins, a été redécouverte à Paris : en 1985 deux enfants décédaient d'une intoxication majeure au plomb. La mobilisation progressive des équipes de PMI (Protection Maternelle et Infantile) de la ville de Paris a montré que ce phénomène n'était pas isolé et a permis de dépister de plus en plus de cas et ce particulièrement dans les arrondissement du nord-est de la ville.

Le saturnisme infantile est essentiellement lié à l'ingestion de poussières contaminées par le plomb contenu dans des peintures anciennes dégradées, voire dans les cas les plus graves à l'ingestion d'écailles de peinture. Jusqu'à la seconde guerre mondiale, la céruse ou peinture au plomb était largement utilisée, aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur des bâtiments, du fait de ses excellentes qualités couvrantes et hydrofuges. L'intoxication des enfants par le plomb est à la fois une conséquence et un marqueur des mauvaises conditions d'habitat. Mais des intoxications peuvent survenir aussi à l'occasion de travaux de rénovation ou de bricolage (ponçage, décapage…) dans des logements anciens et ce quelque soit le niveau socio-économique des familles.

Même à faible dose, le plomb entraîne des atteintes du système nerveux central qui se traduisent par une diminution des capacités d'apprentissage et du développement intellectuel, avec baisse du quotient intellectuel (QI). Ces séquelles sont probablement irréversibles et les enfants qui ont subi une intoxication présenteront sans doute un handicap définitif. À plus fortes doses, le plomb est cause d'anémies, de troubles digestifs, d'atteintes rénales et dans les cas les plus graves d'encéphalopathies (atteinte cérébrale) pouvant être mortelles.

Dépistage

Les jeunes enfants (1 à 6 ans) sont les plus vulnérables. En effet leur comportement normal dans l'exploration de leur environnement est de porter les objets et les mains à la bouche. Chez eux l'absorption digestive du plomb est cinq fois plus élevée que chez l'adulte. Enfin leur système nerveux, en cours de maturation, est particulièrement sensible à l'effet toxique du plomb. Des carences en fer et en calcium sont des facteurs aggravants.

Le dépistage repose avant tout sur le dosage du plomb dans le sang (plombémie). On considère qu'un enfant est en contact avec une source de plomb lorsque sa plombémie est supérieure à 150 microgrammes par litre (µg/l). Entre 100 et 150 µg/l, il doit y avoir soupçon et le dosage recontrôlé.

Une prise en charge hospitalière est nécessaire au delà de 450 µg/l et elle doit se faire en urgence à partir de 700 µg par litre. Dans tous les cas, la prise en charge médicale doit s'accompagner d'une recherche de plomb dans l'environnement de l'enfant, de conseils aux parents et d'intervention sur l'habitat, voire de relogement.

Lorsque l'intoxication est faible - mais non dénuée d'effets à long terme - les manifestations sont peu spécifiques et difficiles à identifier au cours d'un examen médical. Le dépistage doit s'orienter vers l'interrogatoire des parents à la recherche des conditions de logement et d'un comportement de l'enfant pouvant être sources d'intoxication. C'est ce qui a été mis en oeuvre par les équipes de PMI. Mais il faudrait une recherche systématique de plomb dans les logements à risque pour proposer un dépistage aux enfants y résidant.

Entre 1987 et 1993, 3819 enfants ont bénéficié d'un dépistage sur la ville de Paris, avec les résultats suivants :

Plombémie inférieure à 100 µg/l : 869 enfants, entre 100 et 150 µg/l : 959 ; entre 150 et 450 µg/l : 1767 ; supérieure à 450 µg/l : 224.

Ils montrent que le saturnisme infantile, intoxication que l'on croyait d'un autre âge, est un véritable problème de santé publique touchant sans doute des milliers d'enfants à Paris.

Les données plus récentes (mai 92 à octobre 95) permettent de dresser une véritable cartographie du saturnisme infantile dans la ville de Paris en prenant en compte les plombémies supérieures à 150 µg/l.

Dans les 20e, 18e, 11e et 19e arrondissements, 363 cas en tout ; le 10e, 47 ; les 12e, 17e et 13e, 75 cas ; pour tous les autres, moins de 10 enfants chacun, (zéro pour les 6e et 7e).

On n'est pas étonné dans ces conditions que les conseils d'arrondissement du nord-est de Paris aient adressé un voeu au maire de Paris, lui demandant de rendre systématique le dépistage des enfants à risque, de prendre en compte l'existence d'un cas de saturnisme dans la famille comme critère de relogement et enfin d'être destinataires de la liste des logements où des cas ont été dépistés. Ce voeu ne semble avoir été suivi d'aucun effet !

Dans le 10e, les quartiers qui semblent le plus concernés sont le sud de l'arrondissement (quartiers des portes) et le nord-est (Sainte-Marthe et bas Belleville).

Au delà des actions de prévention individuelles que mènent les équipes de PMI et qui sont une priorité, la recherche du plomb dans l'habitat doit permettre d'orienter des actions de réhabilitation qui doivent permettre d'éliminer les peintures en cause ou de les isoler pour qu'elles ne soient plus accessibles.

Le relogement des familles d'enfants intoxiqués est une solution individuelle à condition que le coût social en soit acceptable, que le nouveau logement ne soit pas source de contamination et que l'ancien soit effectivement réhabilité.

Seul le développement d'une politique de rénovation et d'entretien de l'habitat ancien permettra d'éviter l'apparition de nouveaux cas. Dans l'attente d'une évaluation précise de l'ensemble du parc immobilier présentant un danger, ce qui devrait être une priorité pour les autorités, il est possible dès aujourd'hui de dresser une cartographie des îlots dans lesquels ont été dépistés des cas d'enfants intoxiqués sans communiquer les adresses exactes (pour préserver le secret médical), pour élaborer des programmes de réhabilitation prioritaires. La ville de Paris est à même de réaliser une telle carte avec les données qu'elle a en sa possession.

Alain Fontaine - Hubert Isnard



Quand la tuberculose sévissait
dans notre arrondissement

C'Est à la fin du 18e siècle, en Angleterre, que la tuberculose commença sérieusement à se manifester avant de gagner de façon endémique la France pendant tout le 19e et le début du 20e siècle. Il n'y a pas que des écrivains ou des musiciens romantiques qui se meurent en beauté de phtisie, comme Chopin ou la " Dame aux Camélias ", mais aussi le fils de Louis XV et celui de Napoléon Ier, et même des médecins : Vicq d'Azir, Laënnec, Bichat, et bien d'autres connus ou inconnus en furent affectés. La maladie touchait surtout la population ouvrière et miséreuse des quartiers les plus défavorisés de Paris, dont le 10e arrondissement, où s'entassaient dans des logements plus qu'insalubres des gens contagieux qui propageaient à la vitesse " grand V " la maladie.

Une grande enquête hygiéniste du Casier sanitaire des maisons de Paris fut menée en un premier temps de 1894 à 1904, puis continuée jusque dans les années 1920. Elle releva 17 îlots tuberculeux et leur donna un ordre de classement sur cette période, suivant une fourchette de 10 à 19 décès par immeuble, puis de 20 et au-dessus. Ainsi fut-il noté que les secteurs les plus touchés pour notre arrondissement étaient les Faubourg-Saint-Martin, du Temple et, autour de l'hôpital Saint-Louis, les rues Vicq-d'Azir, de la Grange-aux-Belles et le boulevard de la Villette pour lesquels il fut relevé plus de 20 décès par immeuble.

La lutte contre la tuberculose, dont le taudis était le principal artisan, ne put se faire que par la disparition des îlots insalubres, l'expropriation puis le relogement des populations. Plus de dix ans pouvaient s'écouler entre ces étapes, aussi des mesures propres à les accélérer furent-elles prises comme la création, le 28 janvier 1914, de l'Office public d'habitations à bon marché de la Ville de Paris, puis le 18 juillet 1915, de celui du département de la Seine. De 1920 à 1949, 129 000 personnes échappèrent ainsi à la contagion de la tuberculose en étant relogées dans 22 000 logements neufs. À cette époque, avant l'arrivée des antibiotiques, l'éradication de la maladie passait donc obligatoirement par une politique de logement, c'est-à-dire par un traitement social.

Jeannine Christophe

Le retour en force des maladies infectieuses

" L'apparition de formes résistantes au traitement liée à l'urbanisation et à la pauvreté a redonné une brûlante actualité à la tuberculose. Elle a tué 3 millions de personnes en 1995 et un tiers de la population mondiale est porteuse du bacille de Koch."

Henry Gée - Le Monde 15/01/97



Réseaux de prise en charge

Certains types de patients ont besoin d'une écoute et d'un accompagnement spécifiques, même en dehors de tout problème de droit. Ainsi en est-il des malades toxicomanes, des malades alcooliques ou des malades du SIDA, des tuberculeux. On pourrait aussi parler des alternatives à l'hospitalisation pour les personnes âgées, ou des difficultés rencontrées par certains handicapés (une consultation spéciale pour les sourds-muets existe à l'hôpital de la Salpétrière).
Lutter contre l'exclusion passe par des pratiques assurant la qualité au quotidien. Pour ce faire certains praticiens s'organisent.

Deux exemples de réseaux de prise en charge de patients : le réseau Ville-Hôpital (VIH) Paris Nord et la COPAST (Coordination parisienne de soins aux toxico dépendants)

Qu'est ce qu'un réseau

Le réseau est une " forme d'organisation coopérative dans le système de santé ". Le travail en réseau s'est présenté comme une nécessité pour des " acteurs " de terrain (médecins de ville, médecins hospitaliers, infirmiers, pharmaciens, travailleurs sociaux, travailleurs familiaux) avec l'apparition de l'épidémie de sida. Les soignants ont été confrontés à des problèmes nouveaux : de jeunes patients se retrouvaient dans des situations de perte d'autonomie ressemblant à celle des personnes âgées. L'organisation des soins ne l'avait pas prévue. Sortis de l'hôpital, ils se retrouvaient seuls à la maison à devoir se débrouiller. De même, le sida étant une nouvelle maladie, les professionnels de la santé avaient tous besoin de se former, et le système de formation continue saturait.

Réciproquement, les patients ont rapidement su s'organiser en créant des associations (la première fut AIDES). Elles ont poussé les médecins à assurer la prise en charge des malades en ambulatoire (à leur cabinet).

Les réseaux sont nés de ce " face à face " entre les professionnels et les associations, induisant des nouveaux rapports entre médecins et malades. Leur mise en place s'est faite sur la base du volontariat.

Une partie des examens et des traitements du sida, du fait de leur complexité, devait se faire à l'hôpital. Il était impératif de tisser des liens plus étroits entre praticiens hospitaliers et soignants " de ville ".

Ce n'est que petit à petit que la forme des réseaux s'est structurée : plusieurs ministres de la santé ont pris conscience de l'importance de cette manière de travailler et ont apporté un soutien financier des pouvoirs publics.

L'intérêt du travail en réseau apparaît de plus en plus comme une évidence dès que les problèmes à résoudre sont complexes : sida, mais aussi toxicomanie (les deux sont malheureusement très liés), prise en charge des personnes âgées, malades atteints de l'hépatite C, alcooliques, etc.

Le réseau VIH Paris Nord

Sa création remonte à 1988. à cette époque des médecins généralistes ont commencé à se réunir une fois par mois à l'hôpital Saint-Louis avec leurs confrères hospitaliers pour discuter des problèmes de patients qu'ils avaient en commun. En 1990, certains médecins généralistes, au travers de leurs associations de formation continue créent officiellement le réseau. En 1992, la circulaire du ministre Durieux autorise le financement des réseaux et permet l'embauche d'une équipe de coordination (trois mi-temps, dont un médecin et deux secrétaires coordinatrices techniques).

Aujourd'hui, le réseau réunit environ 250 spécialistes dans toutes les disciplines et les services de maladies infectieuses de trois hôpitaux. Il couvre quatre arrondissements (9e, 10e, 18e, 19e et leurs zones limitrophes), soit une population de 500 000 habitants. Les intervenants ont assuré la prise en charge de 894 personnes l'année dernière.

Il est présidé par le Dr Catherine Chaumie, médecin généraliste dans le 10e. Un conseil d'administration de 27 personnes se réunit tous les deux mois.

Le réseau assure plusieurs services :

  • rencontres, réunions, séminaires pour les professionnels ;
  • réponse téléphonique à des demandes d'orientation et d'information sur les services existants. Les utilisateurs de ces services sont autant les professionnels que des personnes concernées par le VIH (patient, famille, entourage, etc.) ;
  • pour les patients ou leur famille, les permanents du réseau recherchent un correspondant adapté. Il ne s'agit pas de se substituer aux praticiens, mais de mettre en correspondance besoins, demandes et offres de service.

Pour tout renseignement complémentaire :

Réseau Ville-Hôpital Paris Nord
Tél. : 01 42 72 65 43

La COPAST

Au début des années 90, l'intersecteur de psychiatrie (service public et gratuit de psychiatrie) a organisé des consultations de soutien psychiatrique aux patients atteints par le VIH (association ESPAS).

Cependant, comme nombre de problèmes psychiatriques posés aux patients porteurs du VIH ont trait à des questions de toxicomanie, ESPAS a créé un lieu spécialisé pour la toxicomanie. La nouvelle association est reconnue en 1995 comme réseau Ville-Hôpital pour la toxicomanie. Trois personnes sont salariées, à temps partiel, pour assurer la coordination du réseau et l'accueil des toxicomanes : un psychiatre, un médecin généraliste et une secrétaire coordinatrice.

La COPAST " couvre " l'ensemble des arrondissements de la rive droite de Paris dans lesquels elle coordonne un réseau de correspondants : associations locales (Médecins du Monde avec son centre Parmentier, le Bus des femmes, le centre méthadone " La corde raide " dans le 12e et le réseau VIH) ainsi que 13 médecins dont 7 généralistes, des psychiatres de l'intersecteur, 7 pharmacies, les hôpitaux Saint-Louis et Lariboisière. 1568 patients ont été pris en charge par les médecins de la coordination en 1996 (de janvier à novembre), dont 150 pour notre arrondissement.

Le réseau propose deux types de service :

  • Aux particuliers (usagers de toxiques, quels qu'ils soient, ou aux familles), un entretien avec l'un des médecins est proposé sur rendez-vous afin d'évaluer le problème et de proposer une orientation. Aucune orientation n'est faite ou aucun conseil n'est donné par téléphone sans avoir reçu au préalable le patient. L'orientation se fera vers des professionnels avec qui les permanents du réseau auront personnellement pris contact. Aucune ordonnance n'est faite lors de ces consultations d'orientation.
  • Le service assuré aux professionnels est double : réunions de discussion et de formation, et conseil. Tout médecin peut adresser l'un de ses patients en consultation à la coordination à fin d'évaluation ou d'orientation.

La COPAST étant un service médicalisé (tout comme le réseau VIH), les personnels sont tenus au secret et la confidentialité est assurée.

Le réseau actuel de la COPAST manque de correspondants et il y a nécessité de l'étendre.

Pour prendre contact, ou pour toute information complémentaire :

COPAST
Tél. : 01 48 04 05 45

Michel Bass



Et le tabac, alors !

Le 10e est un arrondissement bien fourni en associations de lutte contre le tabac. Si nous vous épargnons la longue liste des risques auxquels sont exposés les fumeurs, (60 000 décès prématurés par an, 30 % des incendies, etc.), c'est que la place nous manque. Et, il est vrai qu'au restaurant dans le 10e et ailleurs, ne pas avaler de fumée est quasi impossible.

Paris sans tabac est une association loi 1901, créée en 1991 par des médecins et des enseignants qui organisent des actions de prévention du tabagisme chez les jeunes et aide au sevrage tabagique en développant une prise de conscience des problèmes liés au tabagisme et en souhaitant faire découvrir le bien-être de vivre sans fumer.

En collaboration avec l'académie de Paris, Paris sans tabac organise en milieu scolaire :

  • des conférences-débats,
  • des concours d'affiches, de cartes de voeux et de documents audiovisuels, de lettres,
  • une enquête annuelle sur les habitudes des collégiens et lycéens parisiens.

L'association élargit ses actions par :

  • des interventions en entreprise,
  • la réalisation d'une brochure, avec le journal Okapi, sur le tabagisme,
  • la préparation d'un dessin animé avec l'agence Image,
  • l'élaboration d'un disque compact interactif, outil familial et convivial ; la plus grande banque de données interactives multimédia sur les conséquences du tabac sur la santé et comment y remédier ainsi que sur les lobbies des fabricants de tabac. Il inclut jeux et tests pour petits et grands, fumeurs et non-fumeurs et est en vente à Paris sans tabac.

La Caisse primaire d'assurance maladie en propose des bornes interactives à ses assurés (renseignements CPAM, Madame Labarthe, au
01 40 23 71 75).

Quand on rêve de pouvoir respirer sans être agressé, il faut s'adresser à la Ligue contre la fumée du tabac en public (LCFTP) pour promouvoir les droits des non-fumeurs. En faisant des interventions auprès de responsables dans les lieux de travail, les établissements scolaires, les hôpitaux, auprès de la SNCF, des restaurants, son but est de faire entrer la loi Évin dans les moeurs, de la faire respecter dans tous les endroits collectifs publics et privés. Elle diffuse des autocollants "Espace sans tabac" ; une plaquette de proposition de démarches contre le tabagisme en milieu de travail, avec proposition de soutien de l'association quand les non-fumeurs, n'ayant pas droit au respect et à la courtoisie, doivent exiger le respect de la loi ; le texte de la loi Évin ; des propositions pour arrêter de fumer en 10 points.

Actuellement l'association doit même soutenir quatre personnes qui ont été licenciées parce qu'elles demandaient l'application de la loi sur leur lieu de travail.

Demain j'arrête

Hôpital Fernand-Widal
Tél. : 01 4005 42 01
Service de pneumologie de l'hôpital Saint-Louis,
Tél. : 01 42 49 93 38
Plus exotique :
Centre Shiatsu antitabac, 1bis, cité de Paradis, Tél. : : 01 45 23 01 99

Marie-Hélène Cayla



Toxiques mânes de Fernand-Widal

Fernand Widal, qui exerça à la " maison Dubois " (cf. page 20), fut un brillant précurseur de la sérologie clinique. Il est, entre autres, autant connu pour ses travaux sur le sérodiagnostic de la typhoïde que pour ses recherches sur les pathologies rénales. En 1959, on donna son nom à l'hôpital.

Aujourd'hui, " Fernand-Widal " a tourné la majeure partie de ses activités vers la toxicologie et le Centre anti poisons de Paris (CAPP) en est le point de mire. Il accueille depuis 1990 un important centre gérontologique de 240 lits d'hospitalisation (les autres services de l'hôpital totalisant 111 lits).

Vous avez dit " arsenic "

La toxicologie à Fernand-Widal se répartit en cinq services :

  • un service de médecine interne à orientation toxicologique qui cible le traitement des intoxications chroniques et des dépendances (54 lits et 2 lits d'hôpital de jour).
  • un service de réanimation toxicilogique où sont plus spécifiquement traités les intoxiqués aigus et les victimes de catastrophes (21 lits et 13 de réanimation).
  • un service de psychiatrie qui accueille pour une durée brève des patients présentant des troubles psychopathologiques sur 36 lits d'hospitalisation et notamment dans le cadre de ce service, l'espace Murger prend en charge les toxicomanies graves. Les patients peuvent y bénéficier d'hospitalisation pour sevrage à condition d'accepter les délais de la liste d'attente.
    Ce service propose aussi une consultation et les patients de l'espace Murger trouvent autant l'accueil ponctuel dont ils ont besoin que suivi psychothérapeutique, traitement ambulatoire, protocole de substitution, orientation sociale ou prise en charge en réseau.
  • un service de biochimie-toxicologie qui assure plus spécifiquement la recherche et le dosage des toxiques et des médicaments, l'évaluation d'antidotes, le dosage des métaux.
  • le centre anti poisons de Paris.

Comment noyer le poison

Le centre anti poisons de Paris est implanté à Fernand-Widal depuis 1959. Sa mission principale est de donner un avis d'expert sur tous les cas d'intoxication qui lui sont proposés. Les réponses sont données par 18 médecins qui se partagent les gardes jour et nuit (Tél.: 01 40 37 04 04).

Les demandeurs sont à 41 % personnels de santé (37 % médecins et 4 % paramédicaux) à qui sont indiqués : symptomatologie, examens à réaliser, conseils en réanimation urgente ou traitements adéquats.

59 % des autres appels proviennent du public, à qui sont indiqués : gestes d'urgence, ce qu'il ne faut surtout pas faire, le pronostic qui conditionne ou non l'urgence du traitement.

Le CAPP est surtout concerné par les intoxications aiguës (accidents domestiques, suicides, erreurs d'utilisation, effets indésirables de médi-caments). Cependant, dans 10 % des cas, les intoxications ont un caractère chronique (contamination professionnelle, pollution, toxico-manies).

Le CAPP n'a pas pour seule mission d'aider au traitement individuel d'un cas d'intoxication, il oeuvre aussi dans le cadre de la toxicité des produits chimiques ou médicamenteux, et ce travail d'expertise est pris en compte lors des réglementations ministérielles.

Arsenic ou vieilles dentelles

Le centre de gérontologie de Fernand-Widal a ouvert ses portes en 1990 dans de nouveaux locaux qui permettent d'accueillir 240 personnes âgées sur 3 types de séjour :

  • 190 lits en " long séjour " permettant l'hébergement à long terme de personnes dépendantes.
  • 45 lits en " moyen séjour " dont l'objectif est d'assurer un retour au domicile après un temps de réadaptation polyvalente.
  • 15 lits de médecine interne pour personnes âgées permettant : bilans diagnostiques, évaluation de dépendances ou traitements d'une affection aiguë.

Le service est en liaison permanente avec l'extérieur et travaille en réseau avec de multiples correspondants (généralistes, paramédicaux, travailleurs sociaux, associations de maintien au domicile, maisons de retraite).

Le centre met en place un projet de " rencontres inter-générations ", visant un échange interactif entre enfants et personnes âgées. Dans un premier temps, des films vidéos de témoignages pour faire vivre la mémoire du 10e arrondissement sont réalisés. Ils seront proposés comme support pédagogique aux enseignants de l'arrondissement.

Dans un deuxième temps seront envisagés des enregistrements avec la participation des enfants à partir de leur questionnement.

Élisabeth Pascot



Le sida à l'hôpital Saint-Louis

La prise en charge des personnes concernées par le virus du sida à l'hôpital Saint-Louis est répartie entre plusieurs services. La file active (nombre de patients suivis) est la troisième de la région parisienne. Les premiers patients sont suivis depuis le milieu des années 80 dans deux services : maladies infectieuses et hématologie. L'hôpital est fréquenté, vu le quartier dans lequel il est situé et sa reconnaissance mondiale, par une population fortement défavorisée, voire exclue. Le problème de l'accès aux soins (médicaments, hygiène, alimentation, compréhension des traitements et de la maladie, suivi médico-social…) s'y pose donc de manière dramatique.

L'Hôpital Saint-Louis a toujours été à la pointe de la recherche médicale, et bien évidemment au niveau des traitements du sida. Depuis la fin de l'année 1995, la trithérapie y est administrée. Il s'agit de la prise de trois médicaments (ceux de l'ancienne génération - AZT, DDI - et de nouveaux médicaments (les antiprotéases). Leur combinaison améliore de façon très sensible la qualité et le confort de vie, et fait remonter les défenses immunitaires des patients. Évidemment, le virus n'a pas disparu totalement mais il est moins virulent (il " dort "). Ce nouveau traitement, même très prometteur, n'est pas le traitement définitif que nous attendons tous. Mais il s'agit d'une avancée thérapeutique très importante dans le combat quotidien contre le sida.

Le service des maladies infectieuses ou Fougères 3 (les bâtiments de 1'hôpital Saint-Louis reçoivent des noms de fleurs suivi de l'étage) est le plus sollicité, avec environ 80 % de patients séropositifs ou malades du sida. Ce service dirigé par le professeur Modaï a évolué pour une prise en charge globale (médicale, sociale, liens entre la ville et l'hôpital) des patients et un souci de leur confort. Le service d'hématologie reçoit et suit des patients touchés par le VIH (virus de l'immunodéficience humaine) qui ont développé des cancers ou des maladies s'en approchant. Il a été l'instigateur de la création du Réseau ville-hôpital Paris Nord.

Les services de dermatologie (dirigés par les professeurs Morel et Dubertret) reçoivent et suivent des patients touchés par le sida présentant des problèmes liés à leur spécialité (principalement le kaposi, une maladie de la peau apparaissant chez les personnes malades du sida).

Le service de médecine générale (ou antenne) dirigé par le professeur Rouffy reçoit de manière épisodique des patients touchés par le VIH qui arrivent en urgence et sans suivi médical.

La consultation Verlaine est un service de consultation pour les personnes en précarité (sans couverture sociale). Il est dirigé par le professeur Farge qui a voulu permettre l'accès à une prise en charge médico-sociale même aux personnes sans papiers. Ce service lie obligatoirement le social avec le médical et a pour objectif de remettre en place la couverture sociale perdue par le patient tout en maintenant le suivi médical.

L'équipe mobile de soins palliatifs et du traitement de la douleur a été mise en place au début des années 90 pour assister et soutenir tous les services au niveau de la douleur et de la fin de vie. Il est évident que cette équipe est fortement sollicitée par les services recevant des malades du sida. Elle a été à l'origine de la création du réseau appelé le Chêne Saint-Louis.

Le service de prévention et de traitement des maladies sexuellement transmissibles (MST) reçoit lui aussi des patients concernés par le virus du sida. Il leur apprend souvent leur statut sérologique (la présence ou non d'anticorps indiquant l'exposition au virus et définissant le statut de séropositif ou séronégatif) et les dirige ensuite vers les services et l'hôpital concernés.

Les associations, présentes dans à peu près tous les services, effectuent un travail bénévole de soutien psychologique des patients, de leurs proches ainsi que de l'équipe médicale. Les bénévoles y sont pour la plupart soumis à une stricte confidentialité dans le cadre de leurs activités.

L'association la plus structurée et la plus présente est, pour le sida, l'association AIDES. Elle est présente de manière permanente dans le service des maladies infectieuses, et ponctuellement dans tous les autres services. Elle assure un accueil, une écoute et une information des patients, distribue de la documentation, aux patients et au personnel de l'hôpital. Ses volontaires sont formés tant sur le plan de la connaissance de la maladie que de la relation d'aide et d'écoute.

Le Réseau ville-hôpital Paris Nord est une association combinant des professionnels de la santé, du social, et des représentants d'associations de lutte contre le sida. Son objectif est la formation et la création de liens entre tous les professionnels médico-sociaux s'occupant d'un même patient pour une cohérence et une prise en charge globale.

Le Chêne Saint-Louis est une association de professionnels de la santé qui permet la formation et la communication entre tous ses membres sur le traitement de la douleur et la prise en charge en fin de vie des patients hospitalisés ou à leur domicile.

Nassim B. - Alain Dupuis

AIDES
Tél. : 01 44 52 00 00

Réseau ville-hôpital Paris Nord
Tél. : 01 42 72 65 43

Le Chêne Saint-Louis
Tél. : 01 42 49 95 25



Mourir du sida

Comment ne pas parler du SIDA de nos jours dans un dossier sur la santé ?
Comment parler du SIDA de nos jours dans un dossier sur la santé ?
On peut l'aborder de manière technique, médicale, militante (ce que nous faisons par ailleurs), moralisante, faire de belles théories ou refuser de voir, s'apitoyer ou s'en prendre aux responsables de " ce pays de merde ". Toutes ces approches ont en commun une vision qui évite de regarder la vie de ceux qui en souffrent et qui en meurent.
Après mûre réflexion, nous avons décidé de rapporter simplement un témoignage vécu (jusqu'à son terme). Cela bouscule et peut choquer, mais c'est un regard sur la réalité.

Le téléphone sonne. Peut-on encore le laisser sonner ? J'ai chaud, cela doit être la fièvre. Puis-je oublier, puis-je oublier, non, je frissonne avant même le premier dring. Dring, dring… Décrochez le téléphone…

J'ai peur, mon sang se glace, l'histoire s'éteint, Michel mon amour tu éclates dans le néant, je ne peux plus faire durer l'histoire, l'histoire sommeille, s'éteint. Cela a duré combien de temps… ? Les limites du temps sont glaciales, je sombre, l'image se brouille, pourquoi ces larmes dans tes yeux, Sylvia ? Jacques, pourquoi bafouilles-tu ? Chante Enrico, chante, je veux encore danser, c'est la fête, pourquoi, mais pourquoi, avancez-vous ces visages misérables sur moi ?

La musique s'est arrêtée, les mots s'échappent du téléphone : apparition du HIV, baisse des globules blancs, baisse des globules rouges, T4, T8, je ne comprends pas, je comprends trop bien, je dois m'en aller, me sauver, Mon Dieu, raccrochez le téléphone, mon destin bascule, j'ai mal, mais je ne veux pas m'arrêter de danser. Mon mal s'appelle SIDA. Je lâche le grand mot. Désormais, il n'y a que lui et moi. Je guette par la fenêtre la nuit qui s'installe. Silence… Je vous observe, je lis sur vos visages ma propre peur. Je touche d'un cil les larmes brûlantes qui ruissellent sur vos joues, je ne pleurerai pas aujourd'hui, j'étirerai encore le temps quelques minutes. Demain je pourrai crier, aujourd'hui la vie est belle et c'est la fête…

Je comprends ce matin que le monde continue à tourner. Il est neuf heures et les métros sont bondés, l'air distille des odeurs d'eau de toilette et moi je suis seule avec mon désespoir et personne ne soupçonne l'ampleur et la profondeur de ma solitude.

Le soleil qui brille brûle mon coeur, ces journées si belles et ce ciel si bleu, sans lacune, m'agacent, je sais que ces journées ne sont pas pour moi. L'odeur alléchante du chèvrefeuille glisse entre mes stores, il est pourtant trop tard, les fantômes de la nuit ont glacé mon corps jusqu'au petit jour. Le calme glacé des cauchemars me prend toutes mes nuits. J'ai peur de vivre, de me réveiller, je dépose mes rêves d'adolescente qui sentent la vanille, le bonbon menthe, et l'éternité. Je dépose toutes mes armes, fatiguée de croire que quelque chose puisse changer, fatiguée d'espérer, fatiguée de partager avec les faux amis, je ris de ce rire de damnée, malheureuse à en avoir mal jusqu'au bout des ongles, je ris de ne jamais trouver le repos, de le chercher entre les draps, et je me réveille en sanglots avec le désir de voir naître les mots qui pétriront de stupeur le monde, de pouvoir faire mal comme j'ai mal, juste pour assouvir mes désirs de justice, de faire la guigne à ce dragon qui hiberne au fond de mon corps, dont nul ne connaît l'heure de réveil, à ce mal sans visage, impalpable dont j'ose à peine prononcer le nom tant il est froid et m'emporte aux portes de l'enfer.

Moi, je voulais bien en sortir de ce cauchemar, mais je ne savais pas comment. Dans le service où je suis traitée, la réalité est dans toute son horreur. Ici je vois des visages où l'espoir se lit, mais je vois aussi la déchéance physique, des taches bleues qui me font pousser des hurlements (Kaposi), des fantômes qui circulent le long des couloirs, trop maigres pour marcher seuls. Des anges de la mort vous sourient, et vous demandent gentiment de tendre vos bras, juste pour quelques gouttes de sang. Dans cet hôpital j'ai vu le pire, après cela, je n'ai plus de fantasmes sur la mort.

Écrire, pour se souvenir, pour ne pas oublier, génération perdue, génération de l'après soixante-huit. Nous avons trente ans aujourd'hui, quoi ? Tout recommencer ! Il nous reste les miettes empoisonnées de soixante-huit, la baise à gogo… la libération des femmes… la pilule… la liberté… eux, ils y croyaient, mais nous on n'est rien, des nuls, un bataillon sans capitaine, un bateau sans gouvernail, on nous a coupé les ailes en plein vol.

Leïla Rogler



Avoir la sécu sans travailler

L'Idée qui consiste à croire que la sécurité sociale est réservée aux personnes qui travaillent est périmée. Pour l'assurance maladie, il n'existe pas de gens en fin de droit. Ainsi, depuis 1992, presque tout le monde peut être un assuré social du système public. Tous les Français et les étrangers en situation régulière dont le pays a passé une convention avec la France peuvent demander à la Caisse primaire d'assurance maladie un formulaire de demande de couverture sociale.

Mais la sécurité sociale ne rembourse pas la totalité du prix des actes médicaux. La partie restante peut être prise en charge par la municipalité. Un Parisien qui peut justifier d'une adresse depuis trois mois et qui n'a pas de ressources peut faire une demande d'aide médicale à l'aide sociale qui prendra en charge le ticket modérateur (c'est à dire la différence entre le prix total de l'acte et la partie remboursée par la caisse d'assurance maladie). C'est la carte Paris-Santé.

Pas vraiment simple, tout cela ! C'est pourquoi plusieurs centres aident ceux qui ont quelques difficultés à se retrouver dans ces méandres administratifs. Sur les 12 hôpitaux parisiens qui offrent des soins aux personnes qui sont dans la précarité, 2 sont dans le 10e arrondissement : Le service social Verlaine pour la polyclinique médico-chirurgicale de l'hôpital Saint-Louis et le service social Arc en Ciel pour l'hôpital Lariboisière. Leur particularité : n'être pas un bâtiment à part ni un camp retranché, mais un dispositif à l'intérieur d'une consultation ordinaire existant déjà.

Lorsqu'un patient non pris en charge vient, il voit un médecin qui le soigne, lui fournit des médicaments, et il est automatiquement orienté vers une assistante sociale qui l'aide à obtenir ses droits. C'est parfois très rapide : à Lariboisière, presque la moitié des demandeurs ont trouvé ou retrouvé leurs droits dès la seconde consultation.

Certes, le curatif est important, mais il vaut mieux prévenir que guérir ! Pour les moins de 6 ans, il n'y a pas de problème : les PMI (Protection maternelle et infan-tile) s'en chargent. Pour les adultes, il existe la médecine du travail. Mais entre les deux, la médecine scolaire a du mal à assumer son rôle, car il n'y a que 1 800 médecins scolaires pour toute la France ! Médecins sans frontières a ouvert depuis 1996 un centre médico-social à Paris pour les enfants de plus de 6 ans et pour les adolescents. Il se situe passage Dubail dans notre arrondissement, et il propose des consultations médicales, mais surtout des bilans de santé, des vaccinations et une aide pour accéder aux droits sociaux. Son but est de démontrer qu'il est nécessaire d'offrir une médecine préventive globale ouverte à tous.

Enfin, pour ceux qui n'ont pas fait les démarches pour obtenir une couverture sociale, il existe un centre de Médecins du Monde dans le 11e qui propose gratuitement des soins dentaires. Un numéro vert peut aussi orienter les patients démunis vers des consultations gratuites chez des médecins exerçant dans le privé. Quant aux MST, tout le monde peut les faire dépister gratuitement dans deux centres situés dans l'arrondissement.

Le système médical français est assez curieux. N'est-il pas aberrant que, dans un pays qui propose à des médecins trop nombreux de partir en préretraite avec 250 000 francs par an, il y ait une médecine humanitaire qui s'installe à côté d'une des médecines les plus performantes du monde ?

Benoît Pastisson

Service social Verlaine, Hôpital Saint-Louis, Tél. : 01 42 49 91 60

Service social Arc en Ciel, Hôpital Lariboisière, Tél. : 01 49 95 65 65

Médecins sans Frontières,
21, passage Dubail,
Tél. : 01 42 05 54 44

Médecins du Monde,
61 bis, avenue Parmentier, 75011
Tél. : 01 43 14 81 81

Dépistage gratuit des MST :

42, rue Bichat (Saint-Louis)
Tél. : 01 42 49 99 24

2, rue Ambroise-Paré (Lariboisière)
Tél : 01 49 95 91 12

Réseau Vert : Tél. : 08 00 23 26 00



Santé, sentez, santé

À visée hygiéniste, les vespasiennes, ces petits bijoux - de l'édilité - doivent leur nom (1834) à l'empereur romain Vespasien (9-79) qui avait institué un impôt sur l'urine (utilisée alors par les foulons comme source d'ammoniac).

Vespasienne L'impôt, l'or et l'urine font bon ménage : l'or, aurum dans sa forme latine et aurina dans un latin plus populaire ayant donné aurine (1155), puis enfin urine en 1380.

L'ardoise a-t-elle été la pierre philosophale de l'urbanisme haussmannien ?

Si le propre de l'hygiène est de n'avoir pas d'odeur, le propre de l'urinoir - au sens propre - fut négligé et Léo Trézenik, le poète, " par l'odeur alléché " (La Fontaine déjà et le renard y succombèrent) à versifié le géromé - ou munster, sa pâte molle, affinée et odorante.

Sans vouloir chlore le débat, vous pouvez encore aujourd'hui retrouver la vision bleue et le rêve embaumé, non plus " au coin du boulevard de toutes les Villette ", mais boulevard Arago - devant la Santé (le pourquoi du dossier) - rue Mirabeau (côté place de Barcelone) ou enfin rue Saint-Dominique en bordure du square Rousseau.

Sans lanterne, point de vessie.

À bon " humeur ", salut !

Jean Marandon

 

LE GÉROMÉ

Au coin du boulevard de toutes les Villette,
Si vous passâtes là, par quelque après-dînée,
Vous connaissez la pissotière abandonnée,
La pauvre dont jamais on ne fait la toilette.

Devant elle, ces messieurs de l'édilité
Passent indifférents, dans les soirs violets,
Emportant sur leurs épaules leurs beaux balais
Qui n'ont jamais rincé, ni l'hiver, ni l'été,

Sa dalle où se corrompt l'urine populaire,
Où sèchent les étrons furtifs des noctambules,
Où stagne et croupit et fermente, en grosses bulles,
Dans la tranquillité du soir crépusculaire,

L'eau grasse des voisins que leur bonne y jeta
Sournoise, en tapinois, pendant que le sergot
Suce amoureusement un bout de berlingot
Que la fruitière avant lui suçota.

Malgré les choléras, malgré les typhoïdes,
L'eau dans la pissotière est dès longtemps tarie,
La conduite est bouchée et l'urine pourrie
Déborde dans le caniveau ses eaux putrides.

Sa paroi champignonne et sa dalle verdit ;
Des mouches dans les coins font des petits tas noirs,
Ces mouches qu'on ne voit que dans les urinoirs :
Vampires du miasme et propagateurs du dit.

Et cela schlingue toutes ces odeurs intimes !
Et c'est une infection en dépit du chlore
Qu'on y jette parfois pour la rendre inodore
Comme ceux où les dames payent dix centimes.

Oh ! la vision bleue ! oh ! le rêve embaumé !
Oh ! dans le couchant rose, et smaragdin, et pers,
Cette urine qui s'évapore par les airs !
Et tout cela tient dans deux sous de Géromé !

Léo Trézenik (1855-1902)