La Gazette du Canal n° 15 - Dossier

(printemps 1996)

Le journal de tout le 10e arrondissement de Paris

Les services publics dans le 10e

Introduction

Les grèves du mois de décembre nous ont fait redécouvrir la place importante des services publics dans notre vie quotidienne. Transports, télécommunications, nettoyage des rues, courrier, santé, distribution de l'électricité, etc., autant d'activités qui nous facilitent l'existence. Mais qui s'en rend réellement compte ? La Gazette a voulu évaluer la place de ces grands services publics dans la vie de l'arrondissement car ils ont une importance vitale, pour l'emploi, pour la vie locale et pour notre vie quotidienne. La recherche d'économies budgétaires remet aujourd'hui en cause certains principes de fonctionnement de ces services. Quelles pourront en être les conséquences pour notre arrondissement ? Comment pouvons-nous intervenir, en tant qu'usagers, pour avoir notre mot à dire et en définitive défendre notre qualité de vie ?

Notre qualité de vie, comme dans chaque ville, est liée au fonctionnement de nombreux services rendus quotidiennement à la population, des services auxquels nous sommes si habitués qu'ils nous paraissent naturels : en cas d'incendie, ce sont les pompiers qui interviennent, pour d'autres problèmes la police est sans arrêt sollicitée, les services de la propreté nettoient les rues et ramassent les ordures, les facteurs distribuent le courrier, etc. Or la tendance est à la privatisation, à la recherche d'une plus grande rentabilité. L'accent est partout mis sur « le client » et non plus sur « l'usager ». Concrètement, à l'échelle de notre arrondissement, cela se traduit par toute une série de mesures qui sur le moment passent inaperçues, mais qui à terme seront ressenties comme une dégradation de la vie courante.

Grignotage progressif

Jugez plutôt. L'agence EDF de la rue Bouchardon va fermer ses portes en juillet 1996. Les centres de tris postaux des gares du Nord et de l'Est sont fermés, des milliers d'emplois ont été transférés ou supprimés. Le service des urgences de l'hôpital Saint-Louis est menacé, il joue pourtant un rôle non négligeable d'accueil des plus démunis qui se servent de ce service pour avoir accès aux soins. L'hôpital Saint-Lazare va fermer ses portes, sans que l'on sache comment son bâtiment sera réemployé ; deviendra-t-il un nouveau couvent des Récollets ? Dans les écoles, chaque rentrée amène son cortège de problèmes car des technocrates se sont trompés dans leurs prévisions démographiques. Quant aux forces de police, leur effectif est calculé en fonction de la population locale et non de la population réelle-ment présente dans l'arrondissement du fait du transit de nombreux voyageurs. Quand le tunnelier MARTINE s'est mis à creuser la ligne EOLE, il a fallu attendre les fissures provoquées dans les immeubles pour que la SNCF s'intéresse aux nuisances occasionnées par son chantier. La tournée de l'après midi des facteurs est elle aussi remise en cause, et nous payons de plus en plus cher nos communications téléphoniques de proximité, etc.

Réagir ?

L'énumération de ce grignotage progressif devrait nous faire réagir. Cela suffit ! Continuons ainsi, et la vie en ville deviendra franchement insupportable. Il est frappant et réconfortant de constater que pendant les grèves le public a plutôt bien accepté que des salariés du public défendent, non seulement leurs intérêts catégoriels, mais aussi une certaine idée du service public. Mais ensuite ? Une fois le grand mouvement passé, comment quotidiennement agir pour conserver l'esprit du service public à la française ? A la mairie du 10e, un élu a été chargé de servir de lien entre la municipalité et les administrations (voir notre interview d'Alain Lhostis). Cela nous semble constituer une bonne initiative. Au delà, nous devrons chaque fois que cela sera nécessaire, faire entendre notre voix et imaginer au besoin des actions spectaculaires pour mettre un terme à cette tendance qui hypothèque l'avenir au nom d'impératifs financiers douteux.

Hervé LATAPIE.



Un élu entre administration et usagers

Alain Lhostis est chargé dans la nouvelle équipe municipale des relations avec les administrations publiques. La Gazette a voulu savoir comment un élu communiste, ancien conseiller d'arrondissement de l'opposition, allait aujourd'hui travailler au sein de la nouvelle majorité. Son atout pour aborder les dossiers dont il est chargé est incontestablement son expérience d'homme de terrain, il connaît bien l'arrondissement et ses problèmes. Il souhaite changer les rapports entre les administrations et les usagers : il exige un droit de suggestion et d'intervention des habitants sur les grands projets touchant les services publics dans l'arrondissement. Cependant, force est de constater que là, comme dans bien d'autres domaines de la vie municipale parisienne, la mairie d'arrondissement dispose de bien peu de pouvoirs. Animer et instaurer le dialogue semblent bien nécessaires, mais cela suffira-t-il à infléchir l'influence froide des appareils technocratiques ?

LA GAZETTE : Vous êtes conseiller de Paris, élu du 10e, et le maire, M. Dreyfus, vous a chargé « des relations avec les services publics et les administrations ». C'est une nouveauté dans l'arrondissement. Pouvez-vous nous expliquer quelle est votre mission ?

Alain LHOSTIS : Nous voulons en tout premier lieu mieux connaître un certain nombre de réalités dont nous n'avions jusqu'à présent qu'une perception totalement empirique. Nous voulons savoir ce qui se passe dans ces entreprises, tout simplement parce que cela nous concerne, pour l'emploi et en raison des services qui sont rendus aux gens. S'il y a des projets, nous voulons intervenir en amont et ne pas être mis devant le fait accompli.

- Quel genre de projets ?

- Quand EDF décide de fermer son agence rue Bouchardon, cela signifie que les habitants du 10e devront dorénavant aller régler leurs problèmes avenue Trudaine, y compris les personnes âgées, cela ne nous est pas indifférent. Quel peut être l'impact de la modification d'un parcours d'une ligne de bus ? L'installation d'un nouvel escalier mécanique dans une station de métro peut bouleverser la circulation des personnes et menacer un commerce, etc.
Ces décisions ne sont certes pas de notre responsabilité, mais nous voulons donner notre opinion, en tant qu'élus, et pas seulement entendre des informations sur des choix déjà arrêtés.

- Vous pensez que jusqu'à présent la concertation entre les services publics et la municipalité n'existait pas ?

- Il y avait des contacts, mais je pense que ceux que nous aurons à partir de maintenant seront d'une nature différente. Par exemple, j'ai cru comprendre que la conception du dialogue de la SNCF a été dans le passé de dire « on va vous informer de ce que nous faisons, et vous allez le répercuter sur la population locale ». Nous ne voulons plus de ce type de rapports. Nous avons des questions à poser, les habitants se plaignent de tel ou tel aspect d'un projet, ils ont des interrogations légitimes, notre rôle est de les répercuter et d'obtenir leur prise en compte. Je ne serai donc pas un simple porte-parole.

- Compte tenu des faibles pouvoirs dont vous disposez dans une mairie d'arrondissement, vous allez être cantonné à ce rôle de médiateur ou d'« organisateur du dialogue » ?

- Cela me semble très important effectivement de mettre les gens en situation de dialoguer et de faire ainsi avancer des idées qui sont le fruit de l'expérience et de nos conceptions. Prenez le cas des travaux de la ligne EOLE. Les riverains, en particulier les commerçants, se demandent où sortiront les voyageurs. On ne le sait toujours pas. Or l'emplacement de cette sortie aura forcément des conséquences très importantes sur la circulation, la sécurité, le commerce. Qui va décider ? Pratiquement le maire de Paris et le président de la SNCF ! Vous croyez que cela est normal ? Nous souhaitons participer à la discussion et au choix de l'emplacement de ces sorties, parce que notre avis sur la question a probablement plus de légitimité et de bien-fondé que l'avis de techniciens.

- Ce qui nous a frappé lorsque nous avons assisté aux réunions sur la ligne EOLE en mairie, est l'absence apparente de toute étude de l'impact économique, social et plus généralement urbain de ces grands travaux. Où en est la réflexion sur ces aspects ?

- Une réflexion d'ensemble doit s'engager, en associant SNCF, RATP, Mairie, commerçants, etc., les aménagements autour des gares posent de redoutables problèmes, en particulier autour de la gare du Nord. Il faut gérer la sortie des voyageurs, la circulation des bus, la présence de parkings automobiles. Personnellement je me demande s'il ne faudrait pas réserver l'espace devant la gare aux piétons et aux bus. La SNCF s'est engagée à dialoguer, on lui a fait remarquer qu'aucun panneau dans la gare du Nord n'indique les commerces situés à l'extérieur, elle a promis de les signaler dans la prochaine brochure présentant la gare. Dans le même ordre d'idée, l'aménagement éventuel d'une galerie commerciale souterraine ne doit pas concurrencer ce qui existe en surface.

- Vous avez engagé le même dialogue avec les PTT ou la RATP ?

- La Poste doit prendre en compte la vie quotidienne des habitants. Le bureau de la rue Sambre-et-Meuse est en travaux, il est depuis longtemps surchargé car il couvre un district trop important. Le bureau de la rue de Château-Landon menacé de fermeture à une époque, va être non seulement conservé mais très probablement agrandi. Il s'installera en haut de la rue du Faubourg-Saint-Martin, à l'emplacement de l'ancien Félix Potin. Le lieu est mieux adapté : il sera plus vaste, il est situé dans une zone commerçante, proche du commissariat de police. Il permettra de désengorger la rue Sambre-et-Meuse, puisqu'une partie du nouveau quartier de la Grange-aux-Belles sera rattaché à ce bureau. Avec la RATP, nous voulons examiner les possibilités d'amélioration des tracés de lignes de bus. Le 26 est saturé, quelle que soit l'heure, il est quasiment impossible d'y trouver une place assise. Quant à la ligne 46, son trajet actuel pose problème, il conviendrait sans doute de le détourner au niveau de la rue du Faubourg-Saint-Martin vers rue La Fayette, il emprunterait ensuite la rue de Château-Landon pour rejoindre la gare de l'Est. La desserte ne changerait pas mais sa circulation serait facilitée et les temps d'attente diminués.

- La police est un autre service public sur lequel vous n'avez pas officiellement de pouvoir.

- Sur ce point je ne suis pas d'accord avec vous, notamment lorsque vous sembliez minimiser dans votre précédent numéro l'importance des actions de police contre les trafics de drogue. Nous sommes intervenus, nous avons été longuement reçu par le Préfet de police. Nous lui avons expliqué que dans certains quartiers, comme près de la place de la Chapelle, les habitants ne nous parlaient plus que de ces trafics. Il était devenu urgent d'agir. Nous avons obtenu quelques résultats. L'élu local est très sollicité sur ces problèmes, il peut là encore servir d'intermédiaire et améliorer la situation. Je veux toutefois rappeler qu'un axe majeur de la politique de la municipalité d'arrondissement porte sur le soutien aux actions de prévention.

- Comment le militant communiste que vous êtes vit sa nouvelle position d'élu de la majorité municipale ?

- Sans hésitation et sans problème, sans état d'âme, je suis là pour que cela réussisse. Le Parti communiste a son action à mener, il s'engagera sur les affaires locales, et il n'est pas là pour passer son temps à défendre la mairie, mais en ce qui me concerne, c'est différent, je suis élu, je tiens mon mandat du suffrage universel, et il faut vivre cela d'une manière sereine.

- On pourra toujours vous trouver dans les rues le dimanche matin aux côtés des vendeurs de l'Humanité dimanche ?

- Rassurez-vous, je n'ai pas l'intention de changer mes habitudes !

Propos recueillis par
Hervé LATAPIE et Jean MARANDON



Le ramassage des ordures

Entretenir sa maison, son quartier, sa ville, suppose un rapport d'identification et un esprit communautaire des habitants. Sans une reconnaissance mutuelle, sans l'esprit de solidarité et d'entraide, sans compréhension de l'autre, ce qui touche à l'ordre et à la propreté peut vite devenir une loi autoritaire édictée par les uns et subie par les autres. C'est dans la réussite relative d'un équilibre dynamique entre le propre et le sale que se reconnaît une communauté soutenue par un effort commun pour le bien-être de tous.

Propreté et saleté sont des idées relatives, témoignages de l'éducation que nous avons reçue, tout le monde sait cela. Dès que l'on aborde la question de la propreté d'un immeuble ou d'un quartier, on touche aux points sensibles des uns et des autres. On n'est pas concerné par la propreté de la même façon à vingt ans qu'à quarante. C'est pourquoi l'article suivant se limite à expliquer l'organisation des services de la Ville de Paris chargés de la propreté dans le 10e.

La propreté dans le 10e arrondissement est organisée par une subdivision de la ville de Paris qui englobe le 10e et le 9e arrondissements. La propreté concerne le balayage et le lavage de la voie publique, le dégraffitage et le désaffichage des lieux publics. Les syndics de certains immeubles ont passé des contrats avec ce service.

Le balayage se fait une à deux fois par jour selon les rues, le lavage se fait une ou deux fois par semaine, sauf pour les rues de marché telles que la rue du Faubourg Saint-Denis où le lavage est quotidien.

Le ramassage des dépôts d'ordures pose un problème particulier dans le 10e - les dépôts “ sauvages ” y sont particulièrement nombreux, alors que les bennes gratuites peuvent être mises à disposition sur simple demande à la mairie du 10e.

Certains passages, même lorsqu'ils sont ouverts aux passants jour et nuit, sont néanmoins considérés comme passages privés, et leur nettoyage est pris en charge par les propriétaires concernés. Depuis deux ans les poubelles à couvercle bleu sont mises à disposition des immeubles demandeurs. Cela semble fonctionner relativement bien, à condition que l'on respecte la consigne suivante : uniquement journaux et magazines doivent y être déposés, certains imprimés contiennent en effet une encre difficile à traiter.

La grande surprise : Toutes les ordures peuvent être quasiment triées à Paris. Toutefois, ce triage exige une forte mobilisation des personnes intéressées : elles doivent se déplacer jusqu'à la Porte-de-la-Chapelle, où les particuliers peuvent déposer et trier cartons, métaux, verre, huiles de vidanges, papier journal, bois, batteries et piles-boutons. Le centre d'accueil situé 17-25, avenue de la Porte-de-la-Chapelle est ouvert de 10 h 30 à 19 h, sauf les mardis et jours fériés.

Ce que chacun peut faire :
- trier certains déchets et les apporter Porte-de-la-Chapelle.
- réclamer (par l'intermédiaire du syndic) une poubelle à couvercle bleu.
- réclamer que les renseignements pratiques concernant les déchets soient affichés au tableau d'immeuble.
- demander une benne, lorsqu'on prévoit des travaux provoquant des déchets.

En vous promenant, vous avez peut-être déjà remarqué dans la rue de petits tapis enroulés : il s'agit là du “ chiffon de barrage ”, une petite particularité des services de nettoiement parisiens. Ces tissus sont particulièrement bien enroulés par les ateliers du 10e arrondissement et ils servent à diriger le jet d'eau devant les bouches d'égout. Une solution astucieuse qui ne semble pas avoir été trouvée ailleurs qu'à Paris.

Les informations pour cet article ont été recueillies auprès de Madame Ghyslaine Jullion à la Direction de la Protection de l'environnement/Section des moyen opérationnels de propreté. Toute information complémentaire pourra être obtenue au numéro suivant : 48 00 97 09.

Renate REISMANN



La poste : condamnée à devenir rentable !

Guy Freyche est facteur dans le 10e depuis 1972 et son parcours de militant syndical l'a amené depuis 7 ans à être permanent du jeune syndicat SUD PTT (Solidaire Unitaire Démocratique), créé par des ex-militants CFDT démis de leurs fonctions et de leurs mandats pour avoir soutenu la fameuse grève des « camions jaunes » en 1988.
Malgré la mutation d'une administration qui adapte de plus en plus son fonctionnement et son discours au modèle de l'entreprise privée, le facteur militant Guy Freyche continue à défendre avec passion le service public et ses usagers.

La poste dans le 10e

Dans le 10e, à peu près 700 personnes (sur 287 000 dans toute la France) travaillent dans une dizaine de bureaux de poste, dépendant du bureau central du square Alban-Satragne. Depuis 1983 les embauches diminuent et la réorganisation de chaque bureau implique la disparition de 40 à 50 emplois. La fermeture des centres de tri de gare du Nord et gare de l'Est, suite à la création d'un centre de tri moderne dans le 18e, a entraîné la mutation d'un millier de personnes (une machine en remplace 300). Le centre de gare du Nord avait été particulièrement moteur dans la grève de 1974 qui avait duré six semaines et défendait, déjà, des revendications salariales et la titularisation des auxiliaires. 300 facteurs (dont une moitié de femmes), qui travaillent souvent depuis longtemps dans l'arrondissement, arpentent par deux nos quartiers, en tournée d'une heure.

Usager ou client ?

Si les agents de la Poste ont une haute idée du service public, il n'en n'est pas de même pour la direction ; d'ailleurs, depuis 3 ans, le « client » remplace l'« usager ». Car l'acheminement du courrier des particuliers n'est pas rentable et la Poste voit plus d'intérêt dans le courrier des entreprises et le développement des produits financiers. Chaque bureau a ses objectifs et les agents sont notés en fonction des produits placés. La logique d'adaptation au modèle de l'entreprise privée amène la Poste à vouloir fermer les bureaux qui ne sont pas individuellement rentables. De même les services spéciaux sont filialisés : la livraison de l'argent par camion blindé (Sécuriposte), Chronopost (Service français des messageries internationales), les coursiers (Allô Poste Express), ce qui permet notamment de ne plus donner aux employés de ces filiales le statut de fonctionnaires. Bien sûr, le monopole des lettres, des mandats et recommandés est attaqué par le développement du fax et des messageries privées. Pourtant, globalement, la Poste est bénéficiaire et permet de financer d'autres services publics.

Des logiques opposées

Les syndicats dans leur ensemble défendent toujours l'« usager ». Chacun, où qu'il habite, a le même droit, au même tarif, de bénéficier de la réception et de l'envoi du courrier, de tous les services proposés par la Poste. Ils proposent même d'aller plus loin et d'élargir les services, ce qui pourrait aussi générer des emplois : pourquoi, à Paris, les facteurs ne pourraient-ils pas, par exemple, aller à domicile effectuer les opérations que l'on fait traditionnellement au guichet (mandats, dépôts et retraits, achat de timbres…) ? Pourquoi ne pas reprendre les livraisons préférentielles pour la presse, stoppées depuis 5 ans, qui permettaient aux usagers d'avoir leur journal avant de partir au travail ? A ces idées la direction de la Poste est très réticente. Tout est fait pour que La Poste bouge. Mais pas dans le sens du service public.

Frédérique LECOEUR

La CGT « contre le dépeçage » des services publics

La position de l'Union locale CGT est, bien sûr, celle du maintien des services publics. Dans l'entretien qu'un délégué a accordé à La Gazette, plusieurs dossiers concernant le 10e ont été soulevés.

- La Poste : La CGT déplore la fermeture de deux centres de tri, celui de la gare du Nord et celui de la gare de l'Est. Elle s'inquiète de la lente mais sûre dégradation du service public.

- La SNCF : Les conflits de la fin 1995 ont permis de négocier la transformation d'un certain nombre de CDD en postes permanents. Mais le mouvement autour du contrat de plan avait aussi pour objectif de discuter de la destructuration d'une administration nationale qui doit conserver sa cohérence au lieu d'abandonner aux régions la gestion des lignes peu fréquentées. La CGT lutte contre le tout TGV et le tout EUROSTAR, éliminant les choix, alors que le réseau banlieue se détériore, que certaines lignes sont fermées, laissant la place aux autocars plus polluants.

Par ailleurs, la CGT a fait une démarche auprès de la mairie et de l'OPHLM pour que les terrains libérés par la destruction d'immeubles réquisitionnés par les travaux d'EOLE - terrains qui sont aujourd'hui propriétés de la SNCF - soient réutilisables à des fins sociales. Jusqu'à présent, le maire n'a fait aucune réponse.

- La fermeture de l'hôpital Saint-Lazare et le projet de fermer les urgences de l'hôpital Saint-Louis qui ne conserverait que des services de pointe et très spécialisés.

Propos recueilli auprès de Philippe GUITTON par Annie BENVENISTE



Sans peur pompiers

L'image mythique du pompier se battant contre les flammes reste toujours gravée dans nos esprits. Pourtant la lutte contre les incendies ne représente aujourd'hui, qu'environ 6 % des interventions totales. Notre monde a évolué, les sapeurs-pompiers aussi… Ils ont su s'adapter aux nouveaux risques technologiques et répondre à des besoins d'assistance toujours plus grands, toujours plus divers.
Ne reste de la création du Corps des sapeurs-pompiers de Paris en 1811, que le courage d'hommes qui bravent au quotidien des dangers parfois mortels pour porter assistance à leurs contemporains en détresse, qu'une tradition forte et centenaire résume ainsi : Sauver ou Périr.

Question, d'où vient l'expression « Fumer comme un pompier » ? N'imaginez rien de licencieux. La réponse est simple, elle me vient du capitaine Prunet, mon hôte, commandant la caserne de Château-Landon qui fut en 1875 la première construite pour les sapeurs-pompiers de Paris. Celle-ci se dota quelques années plus tard d'une réserve d'eau chaude car les premières pompes, pour créer de la pression dans les tuyaux utilisaient la vapeur d'eau. Et c'est l'imagerie populaire qui a assimilé cette vapeur à de la fumée et l'a associée aux pompiers.

La Brigade des sapeurs-pompiers de Paris compte trois groupements quadrillant Paris, la Seine-Saint-Denis, le Val-de-Marne et les Hauts-de-Seine. Chaque groupement comporte huit compagnies articulées en centres de secours. Ce corps est rattaché à l'arme du Génie depuis 1965 et dépend de l'Armée de terre. La hiérarchie et le commandement y sont donc militaires. Le centre de secours de Château-Landon est aussi le PC de la dixième compagnie qui compte également les centres de secours de Bitche et de Pantin.

La dixième compagnie est la plus sollicitée de toutes avec 24 626 sorties en 1995 et chaque jour à Château-Landon, c'est plus de trente-cinq départs organisés pour aller porter le plus rapidement possible les premiers secours. Il faut en moyenne six minutes après un appel pour que les hommes arrivent sur le terrain. Là, les missions sont diverses : la lutte contre les incendies, bien sûr, mais la majorité des interventions consiste à porter assistance à des victimes (accident de la route, piétons renversés, agressions, noyades), elles supposent une action médicalisée ou de secourisme. Il faut aussi ajouter l'assistance à personne, c'est notamment le cas lorsqu'il faut simplement aider une personne impotente tombée de son lit à se relever. C'est de plus en plus, remarque le capitaine Prunet, donner du réconfort, « de la chaleur et du moral » aux SDF, faire face à des conduites toxicomanes, en un mot à la misère. Moins nombreuses sont les missions d'assistance aux animaux, de recherche de fuite (eau et gaz), de détection et traitement de pollution.

Lors des interventions, les gestes doivent être précis, s'enchaîner presque automatiquement suivant des procédures maintes fois répétées lors des entraînements et formations. Il y va souvent de la vie de la personne que l'on vient secourir, quelquefois de sa propre sécurité. Dans ce métier, sans doute plus que dans d'autres, on est confronté à la violence de la vie parfois même jusqu'à l'horreur, c'est notamment le cas lors des récents attentats à Paris. L'esprit de corps joue alors à plein, il est là pour soutenir, pour aider à continuer sa mission.

Une mission contraignante puisqu'en plus des deux heures d'entraînement chaque jour, en plus des interventions, il faut passer de multiples certificats et brevets pour être encore plus compétent. S'ajoutent à cela les nuits d'astreintes, les week-end, c'est souvent plus de 100 heures par semaines que ces hommes très souvent jeunes et leur encadrement consacrent à leur idéal : Servir.

« Ma récompense », me confie le capitaine Prunet pour conclure: « c'est lorsqu'après un massage cardiaque, je sens la personne revivre ».

Jérôme GOUPIL



Rue d'Alsace, on monte la garde

Si vous vous promenez le soir, lorsque les lumières municipales se sont substituées à la clarté du jour, vous trouverez des lieux inédits qui vous transporteront dans un monde imaginaire influencé par vos lectures préférées et les derniers films qui ont marqué votre subconscient.

Àinsi, la nuit, la rue d'Alsace déjà particulière avec son escalier, se déguise en remparts d'une fortification fantôme qui défendrait notre arrondissement contre un envahisseur peu probable à notre époque. C'est du moins l'effet qu'elle me donne avec son unique construction au bout du trottoir côté sud-est. Comme une tour de garde sur un chemin de ronde, ce bâtiment trône sur un angle formé, d'un côté par le mur surplombant le large fossé creusé par le chemin de fer, et de l'autre par l'enchevêtrement du viaduc de la rue La Fayette. Si le pont-levis est absent, une rampe d'accès suffisamment large pour accueillir de front plusieurs cavaliers en armes dessert les parties basses de cette mystérieuse bâtisse. Les fenêtres, ou plutôt les meurtrières, sont protégées par des pointes en fer forgé dissuadant les assiégeants de toute attaque par ces issues. Des archéologues urbains ont même trouvé un souterrain reliant cet ouvrage à Château-Landon. Décidément on se balade en plein Moyen Âge. Pourtant, malgré mes nombreuses promenades nocturnes en cet endroit je n'ai jamais aperçu de sentinelle en poste, mais des postiers.

Le tri postal

Avant de devenir un donjon imaginaire cet immeuble abritait un centre de tri postal. Une intense activité animait l'endroit jour et nuit. Des centaines de camions jaunes remontaient les sacs postaux par la rampe et traversaient le quartier pour acheminer la lettre destinée à votre tante installée en province. Des charrettes tractées par un engin électrique déposaient des milliers d'enveloppes correctement affranchies dans des wagons stationnés sur la voie 2. Les ambulants achevaient de trier le courrier dans leur compartiment spécial en route vers Belfort ou Charleville-Mézières. Cela avait un petit air d'aéropostale ; vous imaginez St Ex. rencontrant le petit prince sur le trottoir rue d'Alsace ? il aurait sans doute « taggé » un mouton sur une façade ou sur un train de banlieue.

Âmes syndicalistes

Tout ceci est fini, le tri postal n'existe plus. Les avis sur cette suppression divergent : Des âmes syndicalistes déplorent la perte de 1 500 postes entraînant une baisse de l'activité économique des rues avoisinantes ; la consommation dans les bars a diminué. Les riverains, eux, voient la chose autrement. Ils se réjouissent de la disparition d'une nuisance non négligeable. Imaginez le vacarme occasionné par le va-et-vient incessant des véhicules Diesel. C'est à cause d'eux que la rue d'Alsace est à double sens, afin d'éviter le passage par la rue des Deux-Gares. Doit-on revoir cette décision ? Quant aux habitations proches de la gare, pendant les chaleurs d'été, leurs occupants peuvent maintenant ouvrir les fenêtres sans risquer d'être asphyxiés par les fumées des locomotives.

Annexe des Récollets

Que va devenir ce bâtiment ? Une rumeur circule au sujet de la construction d'un complexe hôtelier pour accueillir les futurs voyageurs du TGV Est. Pourquoi pas ? la propreté du lieu deviendrait alors proportionnelle au carré du nombre d'étoiles de cet établissement. D'autres s'inquiètent du manque de projet. Ils voudraient que les pouvoirs publics fassent valoir leur droit de préemption pour penser enfin à la collectivité et y installer une maison des associations ou une superbe bibliothèque. Espérons qu'avec le temps notre donjon de la rue d'Alsace ne se transforme pas en annexe du couvent des Récollets, avec ses guerriers et leurs loups domptés pour le protéger de la populace. Attention, le peuple monte la garde et surveille l'avenir de ce bout de rue. Ah ! J'allais oublier le service public dans cette affaire. Dommage que ce centre soit fermé, on pouvait y poster son courrier jusqu'à minuit en semaine et 22 heures le dimanche, pratique pour s'acquitter des impôts au dernier moment, le sceau de la poste fait foi auprès de nos seigneurs politiques.

Gérald MASNADA