La Gazette du Canal n° 28 - Dossier

(été 2001)

Le journal de tout le 10e arrondissement de Paris

Le canal Saint-Martin

Pont tournant

C'est un peu LE symbole du 10e arrondissement, porteur de rêves, de mythologies et de fantasmes et, bizarrement, La Gazette ne lui a jamais vraiment consacré de dossier. Pourtant, combien de fois avons-nous entendu : "Pourquoi La Gazette du Canal ? votre titre est réducteur" ? Il fallait bien un titre et notre fondateur vivait une forme de passion énervée avec ce lieu. Voici donc cette anomalie réparée.
Par le canal Saint-Martin, le 10e arrondissement peut être considéré comme un Paris en réduction. En schématisant beaucoup, on peut le voir comme un méridien, une frontière. C'est précisément là que passe la ligne de démarcation entre Est et Ouest parisien. Traverser le canal, c'est un peu changer de monde, comme passer du 16e au 20e. En outre, le réalisme poétique des années 30-40 allait lui donner, avec Marcel Carné et "Hôtel du Nord", une place dans la mythologie populaire. Pour les nouvelles générations, il semblerait que c'est plus une autre vision kitsch issue d'"Amélie Poulain" qui est en train de relayer le mythe, avec autant de force. Entre les extrêmes du conservatisme féroce et de l'agitation branchée, espérons que le canal saura trouver une atmosphère conviviale et diversifiée. Longue vie au canal !

Pont tournant 2
Le canal est une frontière : la ruée vers l'Est.



Trois mois de chômage

L'entretien du canal Saint-Martin nécessite régulièrement une mise à sec. Le précédent chômage a eu lieu en 1993. Curieux, promeneurs, photographes, esthètes, vous l'aviez raté ? rien n'est perdu : le prochain chômage est prévu au dernier trimestre de cette année.

C'est lui qui le dit

Chômage (XIIIe siècle) vient du verbe chomer (l'accent circonflexe n'existait pas au XIIe siècle), issu du bas latin comare "se reposer pendant la forte chaleur" qui s'utilisait spécialement en parlant des travailleurs ruraux. Ce sens de ne pas travailler devance celui des acceptions voisines "fait de rester improductif" (XIIIe s.), "temps pendant lequel une chose cesse de fonctionner" (1690) et spécialement, "temps des basses eaux pendant lequel on cure les canaux" (1835)1. Nous y voilà, quelque 10 ans après l'ouverture à la navigation du canal Saint-Martin, en 1825.

Les travaux


Dès le 16 juillet 2001, ils débuteront, canal en eau, notamment par des injections de consolidation du tréfonds du bassin Louis-Blanc, de la partie souterraine (Richard-Lenoir, Bastille) et la remise en état des écluses.
Ensuite, le canal sera mis à sec (à l'exception des bassins de La Villette et de l'Arsenal), après la pose de batar-deaux, le 17 septembre, au niveau des écluses de La Villette (visible près de la place de la bataille de Stalingrad) et de la Bastille (invisible).

    Travaux prévus :
  • la reconstruction du bassin Louis-Blanc (cuvelage en béton) ;
  • le remplacement de cinq portes d'écluses ;
  • la rénovation et la peinture des écluses conservées et de quatre ouvrages d'art ;
  • la réparation des maçon-neries dégradées ;
  • une campagne de recon-naissance des maçonneries et des fondations de trois écluses et de la voûte Bastille.
L'ensemble des travaux sera confié à des entreprises extérieures par le biais de marchés de travaux pour un coût total de 85 millions de Francs.
Enfin, la rénovation du bassin des Récollets n'aura lieu qu'ulté-rieurement : de juillet 2002 à janvier 2003, ce qui entraînera à nouveau une interruption de la circulation sur la canal. Pourquoi ne pas réaliser l'ensemble des travaux simul-tanément ?

À voir

La pose des batardeaux (17 juillet - écluse de La Villette).
La baisse progressive des eaux et la pêche électrique réalisée par la Fédération de pêche de Paris, spectaculaire, tant pour l'ambiance, le pêche elle-même que la taille de certaines carpes. Les poissons, relâchés dans le bassin de La Villette, reviennent, paraît-il, après remise en eau, dans le bassin où ils avaient été pêchés !
Le canal vide, avant nettoyage : objets hétéroclites jetés dans le canal depuis 1993 (ils sont nombreux !), pas des visiteurs et des oiseaux imprimés dans la vase, les moules d'eau douce qui tapissent ses parois.
Les pique-niqueurs du dimanche installés avec tables et chaises au fond du canal.
La remise en eau (prévue le 22 décembre 2001).

Jean Marandon<

1 D'après Le Robert, dictionnaire historique de la langue française.



Et le canal devint piéton
(petite histoire d'un miracle)

Non, ce n'est pas une comptine pour enfants (maman, les p'tits canaux…). Il ne s'agit pas non plus de marcher sur l'eau comme le fait notre Jesuski du 10e. Mais la piétonisation des berges du canal est partie du premier numéro de La Gazette (introuvable incunable). Rappel.

Canal béton ?

Dans les années 70, la "modernité" pompidolienne voulait ouvrir Paris à la voiture. Sur le canal, en particulier, un projet d'autoroute urbaine avait été élaboré. La rue de Flandres élargie devait se prolonger par une superbe dalle recouvrant le canal, comme Haussmann le fit sur le boulevard Richard-Lenoir. L'opposition des associations locales et du maire de l'époque, Claude-Gérard Marcus, a permis de sauver le canal d'une destruction irrémédiable.
Presque deux décennies plus tard, il fallut une mobilisation très forte des habitants pour préserver l'Hôtel du Nord, puis une petite parcelle de verdure (le jardin Villemin) de l'appétit des promoteurs, qui auraient bien vu une barre d'immeubles sans solution de continuité sur tout le 10e. La lutte fut âpre, les chantiers occupés, les habitants devant les pelleteuses ; le jardin fut sauvé, et l'Hôtel du Nord un semi-échec. Il n'en reste que la vague empreinte de la façade.

Canal piéton

De ces luttes, naît La Gazette du Canal en juin 1992. Dès son numéro 1, elle milite pour rendre piéton cet espace de mémoire. Avant les élections municipales de 1995, La Gazette a interrogé les candidats, qui se sont tous déclarés partisans de la mesure. Les réponses de deux des principaux candidats sont rappelées dans l'encadré ci-dessous.
Miraculeusement, Claude Challal, alors maire du 10e, à un mois des élections de 1995, décida d' "expérimenter" le canal piéton le dimanche, et en profita pour s'attribuer la paternité du projet. Une manifestation fut alors organisée pour fêter cette piétonisation. Les caméras de France 3 étant présentes, nous avons demandé à M. Challal ce qu'il entendait par "expérimentale" et avons alors obtenu une assurance que cette opération serait maintenue s'il était élu. La partie était gagnée, les deux principaux candidats s'étant officiellement engagés à maintenir le canal piéton.
La Gazette n'en resta pas là. Nous pensions que la piétonisation était une victoire fragile et qu'il fallait la préserver et l'étendre en mélangeant la convivialité et la revendication. Nous proposâmes aux associations locales de monter une coordination pour animer ce lieu, le faire vivre harmoni-eusement et éviter une mainmise extérieure, type grosse structure centralisée de la Ville. Plusieurs débats sur ce thème furent organisés, mais l'idée ne prit pas ; méfiance des uns, pensant que nous voulions monopoliser les lieux, indifférence des autres. L'idée ne fut cependant pas perdue pour tout le monde : l'association CANAL se crée fin 1996.
L'histoire se répétant, c'est à la veille des élections municipales de 2001 que des équipements fixes sont finalement mis en place, et que la plage piétonne, de 14 h à 18 h, passe de 10 h à 18 h. Les jours fériés sont intégrés au calendrier depuis le premier mai.
Fin mai, Denis Baupin, adjoint au maire de Paris (chargé des transports et de la circulation), a annoncé la piétonisation de 10 heures à 22 heures les samedis et dimanches durant l'été, et ce dès le 15 juillet, décision que le maire du 10e semble avoir apprise par la presse.
Le succès de la piétonisation des berges du canal tient grandement à la progressivité des décisions et à une concertation continue avec les riverains, dont une minorité reste hostile. Cette méthode a permis de progresser en réduisant les oppositions et en consolidant les acquis. Un changement brutal risque de déstabiliser tout cela et de réduire à néant une dizaine d'années de travail.

Avenir

Le canal sera-t-il victime de son succès ? On voit déjà poindre des signes alarmants. Le lieu devient très branché, des opérations immobilières se dessinent. La dernière en date va affecter une surface de plus de 2 500 m2 côté Jemmapes, entre la rue Bichat et la rue de l'Hôpital Saint-Louis. Trois bâtiments de 4 à 7 étages (22 mètres de haut) comportant 63 logements d'habitation, 396 m2 de commerces et 101 places de parking sur 3 niveaux de sous-sol vont être créés. Le permis de construire est passé en catimini sur le bureau du maire. étant donné l'ampleur du projet et, sans préjuger de sa qualité, une large information et une concertation entre les élus concernés et les habitants et associations locales aurait été bienvenue. Ce n'est malheureusement pas la première fois qu'un "oubli" de ce type se produit (souvenons-nous de La Scala, sur le boulevard de Strasbourg). Il serait dommage que le manque de transparence tant reproché à la précédente majorité parisienne continue à se perpétuer, par stratégie politicienne, à dessein ou par manque de vigilance.

Jean-Michel Berthier


L'immeuble Préault, Le Décolletage savoyard, et la perspective de l'entrée
de la rue Bichat seront-t-ils complètement transformés par un projet immobilier ?

Extrait du numéro "Spécial élections" de La Gazette du Canal (supplément au n° 12, 1995) :

- La Gazette : Vous engagez-vous à mettre en place le projet de canal piéton proposé par La Gazette du Canal ?

- Claude Challal (maire en place RPR) : Proposé par La Gazette ? … Je dirais plutôt soutenu par La Gazette.
Il faut tout de même savoir que les premières démarches de la municipalité ont été engagées auprès de la préfecture de police en 1989. Et que le préfet de l'époque, en poste jusqu'en 1993, n'étaient pas vraiment ouvert à nos suggestions.
Quant à la proposition de fermeture temporaire à la circulation automobile des berges du canal Saint-Martin les dimanches et jours fériés, la préfecture de police vient de me donner son accord.
Une expérience est tentée dimanche 14 mai.

- Tony Dreyfus (candidat PS) : Dès que La Gazette a proposé de mettre les quais du canal en voie piétonne, nous avons immédiatement soutenu ce projet. Notre enthousiasme nous a même portés jusqu'à suggérer que cette reconquête paisible ne soit pas limitée aux dimanches, mais étendue aux samedis !
Depuis, Monsieur Challal a obtenu de la préfecture de police l'accord pour une "période expérimentale". Rendons à César, c'est-à-dire à
La Gazette le mérite de cette initiative !



La navigation sur le canal Saint-Martin

Le canal Saint-Martin s'intègre dans le réseau des canaux de Paris. Il appartient à la commune et il est géré par le Service des canaux de Paris. Il est long de 4,5 km (dont plus de 2 km en souterrain sous le boulevard Richard-Lenoir et la place de la Bastille. Il relie le bassin de la Villette au port de plaisance de Paris-Arsenal (géré par la Chambre de Commerce et d'Industrie). Il a une dénivellation de 25 m et comporte neuf écluses et deux ponts tournants. Il est ouvert à la navigation trois cent soixante cinq jours par an, de 8 h à 23 h 44.

Jusqu'en 1977, seul le trafic de fret était autorisé sur le canal Saint-Martin. En 1977, la société Paris-Canal lance "La Patache-Eautobus", premier bateau de croisière à naviguer sur le canal Saint-Martin. Le succès est immédiat et l'élan est donné. En 1983, une autre société de croisière, Canauxrama, s'installe sur le bassin de la Villette. Et aujourd'hui circulent des bateaux aux noms évocateurs : Le Canotier, La Guêpe Buissonnière, Marcel Carné, Arletty… pour la plus grande joie des visiteurs d'un jour ou de Parisiens curieux. Les bateaux de plaisance sont aussi autorisés à circuler sur le canal, à condition d'être immatriculés et de posséder un moteur.
Pour citer quelques chiffres, 60 % du trafic est constitué par des bateaux de croisière (1 713 passages en 2000), 24 % par des péniches affrétées (700) et 16 % par des plaisanciers (460).
Le trafic commercial est beaucoup moins important sur le canal Saint-Martin que sur les canaux de l'Ourcq et Saint-Denis (300 000 tonnes de fret sont transportées sur le canal Saint-Martin sur plus d'un million de tonnes sur l'ensemble des canaux). D'abord parce que le gabarit du canal est moindre et ne permet pas la circulation des péniches dont le fret excède 250 tonnes. Ensuite parce que beaucoup d'entrepôts et de fabriques ont disparu des abords du canal Saint-Martin. Il n'y a plus de port sur le canal, seul le Point P reste ravitaillé en sable une à deux fois par mois. Les péniches chargées de matériaux de construction et de blé que voient passer les riverains sont en transit soit vers la Seine, soit vers les Grands moulins de Pantin et les cimenteries des canaux Saint-Denis et de l'Ourcq.
La circulation sur les canaux parisiens est très réglementée et les éclusiers du canal Saint-Martin veillent à ce que cette réglementation soit respectée. Étant donnée la proximité des écluses, les éclusiers peuvent visuel-lement surveiller l'espace du canal et communiquer si besoin par téléphone. Ils ne laissent circuler que les bateaux munis de moteur et dont les propriétaires possèdent des papiers en règle. Dans les espaces où les bateaux ne peuvent se croiser (sous la voûte du boulevard Richard-Lenoir et aux écluses), les éclusiers accordent les priorités en sachant qu'un bateau transportant des voyageurs est prioritaire à condition qu'il circule dans le créneau horaire que lui a alloué le Service des canaux. Les éclusiers veillent aussi à ce que les bateaux ne stationnent pas plus d'une nuit dans un bief (un bassin) sauf en cas de crue de la Seine, afin d'éviter les "bateaux-ventouses" qui encombreraient la circulation. Mais au bassin de la Villette, les bateaux bénéficient d'autori-sations plus longues.
Quatre éclusiers travaillent en même temps sur le canal. Lorsqu'un bateau arrive, l'éclusier prévenu par téléphone par son collègue de l'amont ou de l'aval actionne électriquement le mécanisme des portes. En cas de défaut du système électrique, il devra le faire manuellement. Pendant le passage à l'écluse, l'éclusier vise le laissez-passer remis au pilote du bateau au moment de son entrée dans le canal. Le passage à chaque écluse est payant et sera réglé à l'écluse de sortie. Son coût, décidé par le Conseil de Paris, est calculé en fonction du tonnage et des matières transportées par les bateaux de fret, du nombre de personnes transportées pour les bateaux de croisière ; le prix fixe pour les plaisanciers s'élève environ à cinq Francs par écluse.
En plus des éclusiers, un pontier assure le fonctionnement des deux ponts tournants qu'il télécommande à partir des écluses du Temple (situées devant le souterrain). Grâce à plusieurs caméras, il suit les bateaux et surveille la manœuvre des ponts. C'est lui qui rappelle à l'ordre les piétons indisciplinés qui ne respectent pas la limite des barrières. En outre, les bateaux ont priorité sur les voitures aux ponts tournants.
Le canal Saint-Martin est donc une voie de circulation à part entière avec son organisation, sa réglementation que n'imaginent pas les promeneurs charmés par son cadre bucolique.

Isabelle Cefalu,
Anne-Marie Couic



Pas de guinguette face au 102, quai de Jemmapes

Depuis plusieurs semaines, voire plusieurs mois, des rumeurs insistantes ont circulé, annonçant la possible ouverture d'une guinguette dans les deux bâtiments de brique situés au bord du canal, face à l'Hôtel du Nord.

Ces rumeurs ont inquiété les riverains, mais aussi les équipes de "Secourisme et protection civile de Paris 10" qui occupent ces locaux depuis 1970. Interrogé à ce sujet lors du préconseil d'arrondissement du 18 avril dernier, le maire du 10e arrondissement a précisé que ce qu'il craignait, "c'est qu'il y ait tentative d'accaparement par des activités commerciales qui seraient préjudiciables aux riverains de ces berges". Il n'est donc "pas question […] que ces bâtiments soient privatisés par quelque activité, aussi pittoresque soit-elle". L'usage de ces bâtiments restera donc voué à une activité d'utilité publique.
Dont acte.

Jean Marandon

Pratique :
Cours de secourisme (privé, collectivités, écoles), volontariat :
01 43 27 67 34 (répondeur)

La Protection civile

Dépendant à l'origine de la préfecture de police (SIPC, Service interdépartemental de la protection civile), elle est chargée des missions de prompt secours sur son territoire. Composée de bénévoles, elle assurait des prestations de secours aux victimes, des interventions en cas de "Plan rouge" (grande catastrophe, attentat, etc.), et des dispositifs de préventions sur les grand événements.
Fin 1998, suite à une réorganisation de la préfecture de police, les emplois bénévoles de la SIPC ont été supprimés et confiés à l'association SPC Paris qui poursuit la mission, avec ses moyens propres.



Débordement d'animations au bord du canal

De mai à juillet, les animations défilent en chaîne au bord du canal.

Depuis le printemps, les dimanches sur le bord du canal Saint-Martin sont animés. Le 25 mars, le mauvais temps a réduit à sa plus simple expression une fête du Printemps.
Mais quand le joli mois de mai est arrivé, les habitants, saturés de pluie depuis septembre, ont enfin pu mettre le nez dehors. Ils ont découvert qu'un programme chargé d'animations leur était offert. Au point que certains regrettent un peu de ne pouvoir simplement flâner au bord de l'eau, dans le calme, sur des berges sans voitures.
Ils ont couru, le 6 mai, aux "Premières foulées Saint-Martin", organisées par l'Office municipal des sports. Le 13 mai, fut organisé un repas de quartier, que les maires, Tony Dreyfus (du 10e) et Bertrand Delanoë (de Paris), ont honoré de leur présence. Comme l'a exprimé Delphine Vincenot, une des organisatrices de l'événement : " il suffit de passer la consigne : tu fais à manger pour toi et tu partages et puis ça marche. C'est le concept, convivial, du 21e siècle."
Effectivement, cela a marché : tout le monde était assis. Plus de 400 places avaient été prévues, et finalement c'est une foule énorme _ près de 1 500 personnes (800 selon la police, 2 000 selon les organisateurs) - qui s'installa pour pique-niquer, qui sur les berges, qui sur l'herbe, pour une fois propre - les mauvais esprits vont encore penser que l'annonce de la présence du maire de Paris n'y est pas étrangère. Une foule joyeuse mangeant, chantant, assistant aux spectacles, jouant et déambulant.
Le défilé des animations s'est poursuivi le 20 mai. "Quai des Modes", suite d'animations et de défilés autour du thème de la mode, avec illustration musicale par l'Harmonie des Chemins de fer du Nord, a prolongé les journées Portes ouvertes du lycée professionnel Marie-Laurencin. Et pendant ce temps-là, un peu plus bas, rue Marie-et-Louise et avenue Richerand, un vide-grenier battait son plein. Le chaland pouvait y passer chiner et fouiner.
Le 27 mai, un marché de l'art était organisé par le Club recherche et loisirs. Et le calendrier de juin n'est pas moins chargé : un repas de rue et animations semble prévu le 10, le festival des chorales, Voix sur Berges, aura lieu les 17 et 21, et il y aura sans doute une brocante (le 24 ?), comme tous les ans.


Mode : une mariée (création Solevidad) (20 mai)



Un jardin, une crèche et un couvent

La lente torpeur qui habitait le couvent des Récollets et ses terrains depuis de nombreuses années est révolue. Aujourd'hui, trois chantiers se côtoient : le jardin, la crèche et le couvent. L'heure où le centre géographique du 10e risque de devenir son cœur névralgique approche…

Un ancien couvent abandonné depuis des années, une crèche dont on ne sait plus si elle est en construction ou en ruine, un jardin gadouilleux que des travaux interrompus pendant plusieurs mois ont transformé en friche… Le printemps 2001 s'annonçait maussade. Pourtant, sur les trois sites les travaux sont de retour.

Un couvent pour des grabouillis…

Suite à la signature de la convention le 14 mars dernier entre le ministère de l'Équipement et la RIVP, et suite au fait que le permis de construire a été délivré le lendemain, la RIVP, qui construit 77 ateliers-logements pour des artistes, pouvait démarrer la réhabilitation du couvent des Récollets. La convention stipule qu'elle a trente mois pour tout remettre en état… juste le temps qu'il nous faut pour en reparler une autre fois (note de le claviste : non, pitié !).

… une crèche pour des gazouillis…;

La crèche, dont on peu déplorer fortement l'emprise sur le jardin, n'est plus ce bateau ivre qui s'enfonçait un peu plus chaque jour. Mais ici encore, pas de précipitation, si les entreprises ne font pas faillite, si un désaccord n'entraîne pas un référé qui bloque tout comme dans le passé, l'ouverture n'est pas prévue avant 2002, voire 2003. Mesdames, différez encore un peu vos envies de babillements, même si vous ressentez au fond de vous-même que la pilule passe mal.

… et un jardin pour les charivaris

Le square Villemin est à l'image des béalières1 abandonnées du Parc régional des Monts d'Ardèche : le géant aux pieds d'argile se déglingue par le dessous. Des travaux de consolidation, commencés au début du printemps 2000, ont révélé une situation plus grave que prévue : les poches de gypse devenaient des cathédrales du vide. Il a fallu injecter des milliers de tonnes d'un coulis inerte, beaucoup plus que n'avaient prévu les sondages. Or, de la même façon qu'on ne ravale pas un immeuble dont les murs sont pourris dans la masse, il a fallu attendre que la substantifique moelle reprenne du corps pour maquiller la surface. On ne fait pas d'omelette avec des châtaignes ! Les travaux d'aménagement ont donc pris du retard et n'ont commencé qu'en septembre 2000. Tout aurait été pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles et chacun aurait pu cultiver son jardin de plaisir au printemps si des forces occultes n'étaient intervenues. Normalement, on prévoit deux mois d'intempéries par an. Cette année, il y en a eu six ! 24 jours de pluie en avril. Et ce n'est même pas de la faute des staliniens, il n'y en a plus ! Les mauvaises langues de l'arrondissement parlent d'une deuxième intempérie : les élections. Françoise de Panafieu, ex-adjointe aux Parcs et Jardins, pour titiller Tiberi qu'elle ne soutenait plus, aurait fait ralentir les travaux afin que l'ancien maire ne fasse pas de récup. Tout cela est aussi sirupeux qu'une mauvaise crème de marrons.
Avec plus de cinquante centimètres de gadoue dans le jardin, les bottes sont inefficaces et la terre végétale impossible à installer sur un terrain mouillé. à partir de la mi-mai, l'aménagement peut enfin reprendre, mais personne n'ose s'engager sur une date d'ouverture. "Si le temps le permet, nous espérons que tout sera prêt avant les grandes vacances, mais on ne peut être sûr de rien, en cas de coup dur climatique, ce pourrait être septembre" constate avec inquiétude le concepteur du jardin, Patrice Boccacci, qui est particulièrement impatient de voir ce chantier se terminer.
L'incertitude sur la date d'ouverture n'empêche pas d'annoncer trois bonnes nouvelles : la pelouse sera plus grande qu'avant et on pourra marcher dessus (sauf des petits bouts isolés qui ne supporteraient pas un gros piétinement), le kiosque remonté récemment est le même que celui enlevé en 1990 (Patrice Boccacci est allé lui-même le rechercher dans les entrepôts où il était stocké), seul le soubassement n'est pas le même. Cet édicule a une barrière démontable afin de pouvoir installer un podium qui en fera une scène.
Enfin et surtout, l'une des vingt-huit fontaines identiques qui jalonnaient la rue du Faubourg-Saint-Martin vient d'être replacée dans le jardin. C'est la seule qui reste et son histoire est tumultueuse : née en 1848 d'une souscription des propriétaires du Faubourg-Saint-Martin, elle est érigée sous l'administration du Préfet Rambuteau. Sur les 28 initiales, il n'en reste que trois en 1930 qui seront démontées quatre ans après. La nôtre est déposée dans le square Saint-Laurent, puis enlevée en 1983. Voilà qu'aujourd'hui, elle reprend de l'activité. Deux hommes-sirènes avec double queue portent une vasque dominée par un chérubin assis sur un poisson. Les amoureux du quartier vont retrouver une touche de tendresse dans leurs ébats romantiques. Il était temps !
Square Villemin pour l'administration, jardin Villemin pour les usagers, parc Villemin pour les enfants, la fontaine va-t-elle entraîner une quatrième appellation : promenade Villemin pour les poètes et les coeurs tendres. À quand un berger et des moutons de nos montagnes profondes ?

Benoît Pastisson

1 Petit canal de dérivation qui part d'une rivière et qui irrigue les champs voisins.



Il était une fois…

Le jardin Villemin accueille régulièrement un conteur qui emmène les enfants très très loin, dans le monde infini des rêves…

Les deux Mains, la Ville au rasoir, Toto Caramel, les Croissants, le Gâteau partagé, le Chat avec les Ânes… Cet échantillon du catalogue des contes d'Alain Gaussel est déjà une histoire en soi. Ce raconteur invétéré, qui déambule dans l'univers des enfants en ouvrant la grande porte de leur imagination, refuse tout argent. Car il ne vit que pour cela : " les histoires ne font pas passer le temps, elles empêchent le temps de passer". Il est tellement connu dans certaines cités de la banlieue nord, que quand il arrive, il est accueilli à bras ouvert. L'enfance des grands adolescents qu'il retrouve a été bercée par les rythmes enchanteurs de cette voix mystérieuse : "dans les cités, je ne rencontre que des sourires" affirme-t-il avec une pointe de fierté.

Pourtant, son aspect n'est pas particulièrement avenant ; toujours avec le même imperméable et les mêmes sandales, il déambule au travers de l'urbanité en claudiquant, avec de longs cheveux blancs qui lui donnent une silhouette inoubliable. Il n'a que faire de l'apparence et se moque qu'on l'assimile à un clochard. Il a bien raison puisque sa beauté est discrètement enfouie dans les profondeurs : seuls ceux qui vont la puiser sont capables de l'apprécier… comme les enfants par exemple !
Qui pourrait croire, en voyant le bonhomme, qu'il a fait ses études aux lycées Montaigne et Louis le Grand avant d'entamer une préparation à Henri IV. Qui pourrait penser qu'il était le premier de sa classe pendant toutes ses études. Qui pourrait imaginer que son copain de quatrième, un certain Michel Rocard, dit de lui qu'il était "une bête à concours" ?
Les histoires qu'il raconte sont récitées à la virgule près : en observant les enfants autour de lui qui sautent dans tous les sens, il est facile de supposer qu'ils n'écoutent pas ! Grave erreur : c'est eux qui demandent les histoires, et petit à petit, ils les apprennent sans même s'en apercevoir. Très rapidement, ils reprennent le texte et les intonations avec lui. N'est-ce pas une merveilleuse façon d'entraîner la mémoire des petits, sans aucun effort apparent ?
Le magicien du jardin des Récollets rassure les enfants… et effraie parfois les parents. Mais qu'importe : l'une de ses fables se termine par cette évidence si souvent maltraitée : "l'important dans la vie, c'est d'être comme on est". Sûr que lui a quelque chose du papillon.

Benoît Pastisson