La Gazette du Canal n° 21 - Dossier

(automne 1997)

Le journal de tout le 10e arrondissement de Paris

Le 10e en délits

Introduction

Crimes et châtiments étaient à l'origine le titre prévu de ce dossier. Ce titre étant déjà pris, nous avons préféré retenir le terme générique de délit. Et voilà un petit florilège de faits divers et variés qui touchent le 10e et qui ont à faire avec la Loi. Le côté (roman) noir en a inspiré certains, qui sont allés réviser leurs lettres auprès de détectives privés. D'autres ont préféré chercher à comprendre pourquoi des actions volontaires pour faire évoluer les mentalités sur un problème aussi sensible que la drogue se heurtaient à un mur d'indifférence. La police, interrogée, est restée muette : nous avons voulu savoir s'il se passait des choses de son côté, mais rien à signaler, le travail n'est jamais clandestin. La morgue, elle, est silencieuse, ce qui n'est pas nécessairement surprenant. Quant aux sociétés immobilières, cela crapouille, largement au delà de nos frontières ; nos enfants auront-ils à en pâtir ?



Braves gens, tout est calme, dormez bien

Nous avions rendez-vous avec le Commissaire en chef du 10e, M. Baltéra, mais comme il a été obligé de s'absenter au dernier moment, c'est à l'un de ses bras droits que nous avons posé des questions. Le Capitaine Leclerc nous a d'abord rassurés : le 10e est un arrondissement calme, comparé à d'autres. En effet, si l'on regarde les chiffres de la délinquance dans la capitale qui ont été rendus publics à la fin du mois de juillet, le 10e arrive en treizième position pour les délits sur les 20 arrondissements que compte la capitale. Avec 4 996 crimes et délits sur les 6 premiers mois de l'année, on enregistre une baisse de 5,65 % par rapport à la même période un an plus tôt. Les points chauds de l'arrondissement sont les lieux les plus fréquentés : bien sûr les gares (vol à la tire, alerte à la bombe), mais aussi la région de la porte Saint-Denis. Contrairement aux idées toutes faites entendues ici et là, le coin de Barbès ne pose pas de problèmes particuliers, côté dixième. Par ailleurs, une grosse partie du travail des policiers consiste à régler des problèmes de nuisances sur la voie publique ou de bruit de voisinage. Il y a 300 policiers en uniforme dans l'arrondissement. Bien sûr, ils ne travaillent pas tous en même temps. Ils n'ont que… 5 voitures et deux camionnettes. Quant à la PJ qui est installée rue Louis-Blanc, elle couvre quatre arrondissements : le quatrième, le troisième, le dix-neuvième et bien sûr le dixième. Mais au fait, la seule façon de dormir sur ses deux oreilles, c'est en se faisant fendre le crâne ?

Daniel Broc - Benoît Pastisson



Droit « au » travail
ou
droit « du » travail

Tout les téléspectateurs le savent, depuis la diffusion des premiers numéros de la nouvelle série policière de France 2 « Police judiciaire Saint-Martin » ; le 10e est un haut lieu de la délinquance et de la criminalité. Mais la loi, ça peut être d'autre chose que les crimes sanglants, les agressions ou autres cambriolages. Petite enquête du coté de la législation du travail. Si le « droit au travail » n'est pas inscrit dans la loi, du moins « le droit du travail » réglemente l'activité des salariés, en particulier des 80 000 salariés de l'arrondissement. Cela fait beaucoup de monde pour un arrondissement de 90 000 habitants environ. Beaucoup de salariés du service public : il y a deux gares et quatre hôpitaux dans l'arrondissement. Les infractions à la législation du travail sont, d'après les syndicalistes interviewés, désespérément les mêmes que partout ailleurs. Les licenciements et l'extension des contrats précaires amènent des abus fréquents. Il peut alors être nécessaire de s'adresser à l'inspection du travail, située, pour l'arrondissement, boulevard de Strasbourg, ou aux conseils de prud'hommes, qui siègent rue Louis-Blanc pour tout le département.

Daniel Broc



Mission impossible

Je veux savoir ! Comment ça se passe, quels sont les commanditaires, combien ça coûte et tout un tas de tutti-frutti qui me ravage les quelques neurones intacts chatouillant mon kit cérébral (les mauvaises langues trouvent que je suis complaisant avec moi-même !). Le minitel m'indique trois détectives privés dans le 10e.

L'Un ne répond jamais. Un sérieux travail d'investigation chez la concierge de l'immeuble me fait découvrir qu'il (ou qu'elle : c'est une femme) n'existe plus. Une double rasade de Noilly Prat me rend cette nouvelle légèrement supportable. Sur le second, « Cabinet Lumo et Gordon Détective », le 3611 m'apprend deux infos : l'agence a été créée en 1930, bigre, dans deux ans, ils pourront fêter 69 ans d'adultères ! Sur le descriptif Télétel, une phrase frappe mon jus de cervelas : « Qui sont nos clients ? Des dealers soucieux de le rester et les autres désireux de le devenir ! ». Je relis. Ma ménopause intellectuelle et ma vue qui baisse ont encore frappé… Pas des dealers, des leaders. Quand l'anglais nous joue des anagrammes, c'est redoutable. La secrétaire forcément pulpeuse que j'ai au téléphone me confie sur un ton confidentiel que seul son boss peut me recevoir, mais que, chut !, il a filé pour la semaine. Me voilà transformé en conspirateur. En plus, j'ai ce foutu article à faire et comme d'hab', j'ai attendu le dernier moment. Si je trouve un prétexte fallacieux, le rédac' chef va encore me déglinguer les hémorroïdes, histoire de rappeler qu'on n'est pas à la Gazette anale !

Heureusement, la troisième adresse est la bonne. Rendez-vous est pris dans l'agence Agir, quarante ans d'âge, sixième étage, et pas de plaque. Le Vermouth que j'ai scotché dans mes sucs gastriques est censé me donner du courage : celui de prendre mes jambes à mon cou si je dérape dans l'interrogatoire. Quant à la couche adulte, elle m'irrite déjà. Probablement la soudure au chalumeau.

La donzelle qui m'accueille au portillon a mauvaise mine. Je m'apprête à lui rendre la vie plus belle, mais elle m'intime l'ordre de poiroter sagement dans le couloir. Puis elle s'éclipse derrière un bureau vitré. L'angoisse transforme mes rides en robinets et ma chemise en serpillière. Il faut dire que dehors, l'été indien pourrait métamorphoser en cinq minutes un bonzaï en palétuvier géant.

« L'agent privé de recherche » - il préfère ce nom à celui de détective - qui me reçoit n'a rien d'un quidam : Jacques Belmadi, commissaire principal honoraire de la police nationale, officier de la légion nationale du Mérite, est directeur de l'agence Agir depuis qu'il ne dépend plus du ministère de l'intérieur, c'est à dire depuis huit ans. Il déplore que l'accès à la profession soit libre et ne dépende que d'une autorisation préfectorale. Je fais fausse route quand je lui demande si son ancien métier lui donne des contacts pour son nouveau : « absolument aucun ». Bon. Après un distinguo très clair et fondamental entre son « cabinet privé de recherche » et une police privée qui n'a rien à voir, je me prends les doigts dans mon stylo quand il m'explique que son boulot respecte les libertés fixées par la loi et que les filatures ne se font que dans les lieux publics : « il ne faut pas violer l'intimité des gens ».

Au fait, pourquoi on vient ? La réponse est précise : environ 30 % d'affaires privées, du genre « ciel, mon mari », 60 % d'histoires commerciales et financières. La petite partie restante concerne les recherches de débiteurs, de patrimoines et de personnes disparues.

Pour l'adultère, la motivation des clients a changé. Il y a une vingtaine d'années, la raison était affective, morale, passionnelle. Aujourd'hui, c'est un intérêt matériel qui est à la base des demandes.

Derrière la porte, un cliquetis me fait supposer que la secrétaire est en train de se curer un oeil-de-boeuf avec un Opinel de poche. Je demande alors à mon détective s'il a un permis de port d'armes : « non, je n'en ai pas besoin et je n'en veux pas ». Mince alors, et mes idées toutes faites. Pourtant, l'imprévu est parfois au rendez-vous : il est déjà arrivé que, repéré dans une filature, des policiers le clouent au sol en pensant qu'il s'agit d'un malfrat. Une autre fois, bien caché dans les blés pour une filature rapprochée, il s'est fait uriner dessus sans se faire repérer par l'une des personnes surveillées. Dans une autre filature, alors qu'il attendait sur un trottoir, il s'est fait voler sa moto sous ses yeux sans pouvoir intervenir au risque d'être démasqué !

Pas d'erreur, si mon homme ne ressemblait ni à Nestor Burma, ni à Bogart, il commençait à entrer dans mes clichés et mes à-priori. Je trahissais mon émotion par un mouvement de glotte. Alors pour retrouver une contenance, je faisais bifurquer mon bafouillage vers l'oseille.

« - Je suppose que pour faire bosser un type comme vous, il faut être plein aux as, et que vos clients sont dans la haute » lui dis-je froidement en le fixant. Mais il me renvoie direct :

« - Vous vous mettez le stabilo dans le cocotier (note de la claviste : pour la forme, ça sent l'interprétation !). Quand un client vient me voir, je cible particulièrement sa demande. Pour certaines affaires, une journée suffit. Si bien que j'ai des gens de tous les milieux ». J'étais mouché comme une première communiante.

La mission qu'on m'avait confiée était au dessus de mes possibilités. Après un transit chez Roux et Combalusier qui m'offrirent gratos une descente aux enfers, j'allais illico commander un double-sec dans lequel je plongeais tête la première. Et dire qu'à La Gazette, on n'est même pas payé ? J'suis vraiment la reine des pommes.

Benoît Pastisson

Cabinet de recherches privées
Agir
3, rue de Metz
Tél: 01 45 23 03 02



Une SEM* au dessus de tous soupçons ?

*Société d'économie mixte

La SEMIDEP - Société anonyme d'économie mixte immobilière interdépartementale de la région parisienne - qui, dans le 10e, gère les immeubles des 17 et 19, rue Jean-Poulmarch et construit actuellement l'école maternelle, 6, rue Legouvé, a été créée en 1955.

Elle gère 6 329 logements - 1 082 dans Paris et le reste à Pantin, Stains, Massy, Bagnolet, Fresnes, Créteil. 6 % sont des logements très sociaux, 90 % des PLA, et 4 % des logements intermédiaires.

À l'épreuve de la transparence

En janvier 1995, M. Marcovitch, élu socialiste du 19e au Conseil de Paris et membre du conseil d'administration de la SEMIDEP, pose une question orale au maire de Paris, M. Tiberi, sur certaines anomalies relatives à la gestion de la SEMIDEP. Un de ses dirigeants lui a coûté 2,3 MF en 1992, alors que son indemnité était plafonnée à 100 000 F.

En mars 1995, M. Tiberi annonce que la SEMIDEP fait l'objet d'un audit. A.-M. Grand, président depuis 1990, démissionne. Il était aussi élu UDF-CDS du 19e, adjoint au maire de Paris chargé des affaires scolaires et salarié d'une société de robinetterie de l'Indre, filiale de la Générale des eaux.

En mars encore, au Conseil de Paris, M. Marcovitch dénonce des notes de frais exhorbitantes à la SEMIDEP (voyages, hôtels de luxe, achat d'oeuvres d'art, dont un cavalier chinois de l'époque Han mis en dépôt au musée Cernuschi…). La collaboratrice de A.-M. Grand se rendait deux à trois fois par semaine en Corrèze pour donner un coup de main à Mme Chirac lors de sa campagne électorale de conseiller général : ses frais de déplacement s'élevaient à 800 000 F en 1992.

Le nouveau président de la SEMIDEP, M. Bulté, alors maire du 19e, porte plainte contre X pour abus de biens sociaux. En mai 1995, 441 logements à Massy subissent une hausse de loyer de 50 à 70 %, alors qu'aucun travaux d'entretien n'y ont été effectués depuis 35 ans.

En 1996, à Pantin, un huissier constate que les 70 cages d'escalier de la cité des Courtillières sont dans le même état de vétusté que lors de son constat de 1988, mais des factures présentées par la SEMIDEP disaient qu'elles avaient été repeintes 4 fois.

Chronique d'une mort annoncée

En novembre 1996, la SEMIDEP est condamnée par le tribunal des prud'hommes pour le licenciement « sans motif réel et sérieux » de son ancienne directrice financière qui avait osé alerter la maire de Paris sur les pratiques douteuses de la société.

En décembre, la Chambre régionale des comptes dénonce la mauvaise gestion de la SEMIDEP, « travaux fantômes », charges fictives aux locataires…

En janvier 1997, le parquet de Paris ouvre une information judiciaire pour versement de pots de vin à la SEMIDEP : une commission de 20 000 F permettait d'obtenir un logement en 15 jours.

En mai, Le Monde révèle que certains locataires se voient dispensés de leurs charges qui sont tout simplement reportées sur d'autres locataires. En juin, 1 800 locataires demandent le remboursement de droits de bail non réglementaires. Le président et le directeur général de la SEMIDEP démissionnent. Le 17 juin, M. Tiberi annonce la dissolution prochaine de la SEMIDEP. Son patrimoine parisien serait réparti entre d'autres SEM et celui de banlieue cédé à des partenaires extérieurs.

On peut se demander si, malgré les affirmations du maire de Paris sur la bonne fin des chantiers de la SEMIDEP, le chantier de l'école maternelle de la rue Legouvé, dans le 10e, sera mené à son terme dans de bonnes conditions !

Alain Jouffroy



Dans le 10e, les Conseils de prud'hommes

Situé rue Louis-Blanc, comme le commissariat. C'est moins connu, et pourtant juste en face. Ça rend la justice, mais ça ne connaît pas le code pénal. C'est le Conseil des prud'hommes.

Les conseils de prud'hommes (de preux et homme) ne s'intéressent pas au code pénal, mais au code du travail. Ils siègent rue Louis-Blanc, pour tout le département (Paris). Ces conseils sont un tribunal, composé paritairement de représentants des salariés et des employeurs, et dont le rôle est de trancher les conflits individuels du travail. Les conseillers sont élus. Les jugements sont rendus par quatre conseillers, deux employés et deux employeurs. Le président est, alternativement, un employeur ou un employé. Il n'a pas voix prépondérante lors de la décision.

Chiffres

Il y a 271 conseils de prud'hommes en France, avec 15 000 conseillers environ, dont 716 très exactement pour Paris. Ces 5 % de conseillers jugent à peu près 10 % des affaires traitées dans tous le pays : les salariés parisiens sont actifs. Cela fait à peu près 20 000 affaires en tout. Il y a une section encadrement, une section commerce, une section industrie, une section activités diverses, et même, en plein Paris, une section agriculture (pour en dépendre, il faut travailler, par exemple, au PMU ou au crédit agricole).

Les audiences sont publiques (tous les jours à 13 heures), mais les photos sont interdites. Il y a pourtant de belles robes d'avocats. Désolé, je n'ai pas fait de croquis d'audience. On peut assister, au choix, aux référés (affaires en principe urgentes, le lundi, le mercredi et le vendredi), ou aux audiences dans les différentes sections (tous les jours).

Plaintes

Pratiquement tous les cas concernent des employés qui se plaignent de leur employeur : si, à la fin d'un contrat, on « oublie » de vous payer vos congés payés ; si votre employeur fait preuve de discrimination à votre égard en raison de votre appartenance syndicale ; si votre employeur veut vous licencier. Les femmes de ménage réclament des arriérés à leurs patronnes (apparemment, c'est la patronne qui se déplace dans ces cas là, plus que le patron). Les petits salariés demandent des comptes à leurs grandes entreprises. J'ai même vu une jolie danseuse attaquer son employeur (section activités diverses, au 4e étage). C'est plus agréable d'être là en citoyen qui veut s'informer qu'en « demandeur » ou en « défendeur ». On peut plaider sa cause soi-même si on le désire. Pour certains, ce n'est visiblement pas toujours très facile. On peut se faire représenter par un avocat : c'est mieux, mais c'est plus cher. Le salarié qui se plaint de son employeur doit se mettre à la gauche du président et l'employeur à la droite, il faut le savoir. Évitez de venir en short, c'est mal vu : « Monsieur, vous vous présentez devant une juridiction, tout de même ». Après délibération, vous pouvez voir vos demandes acceptées, ou être « débouté » (est-ce que j'ai une tête de débouté ?). Vous pouvez aussi « aller à la départition » (c'est quand les quatre n'ont pas réussi à se mettre d'accord). Et, si vous n'êtes pas content, vous pouvez toujours faire appel.

Votez

Une information citoyenne, pour finir. Les prochaines élections prud'homales auront lieu, comme tous les 5 ans, le 10 décembre 1997. Tous les salariés et les employeurs participent au vote. C'est l'occasion, pour les employés, de mesurer la représentativité de leur organisation syndicale préférée. Le vote a lieu en mairie d'arrondissement.

Daniel Broc



Lutte contre les trafics de drogue

Nous avons voulu tenter de comprendre pourquoi notre action lancée l'année dernière avait avorté et faire le point sur les actions déjà menées par les associations de quartier.

Le 16 avril 1996, La Gazette du Canal et l'association des Amis du passage du Prado organisaient un rassemblement des habitants du 10e dont les quartiers sont « sinistrés par le trafic de la drogue ».

Lors de ce rassemblement est lancé « L'appel de la Porte Saint-Denis » adressé aux dirigeants politiques européens. Ce premier rendez-vous a réuni environ 200 personnes et de nouveaux rassemblements sont prévus le 15 mai et le 15 juin, ces rendez-vous de la Porte Saint-Denis devant se reproduire tous les mois pour entretenir une campagne d'information et de débats.

Cette première action ne se propage pas comme prévu malgré l'engagement de ses organisateurs et malgré le profond malaise exprimé par ceux qui les ont suivis dans la rue. Pourquoi cette explosion pacifique s'est-elle éteint si vite ? Quelles leçons en tirer pour la ranimer et la faire vivre ?

Le problème de la drogue remet en cause tous les fondements pervers de notre société : en début de chaîne, les paysans des Andes ou de l'Himalaya qui, bien qu'exploités, gagnent dix fois plus d'argent à cultiver le pavot plutôt que le riz, des pays du tiers-monde qui font leur PNB sur l'exportation de matières premières composant drogues et produits pharmaceutiques ; en bout de chaîne, des consommateurs de produits toxiques avec lesquels ils tentent de soigner le malaise de leur quotidien.

D'un bout à l'autre de cette chaîne, la prohibition instaure marché noir et marginalité. Entre les deux, une multitude de passeurs et revendeurs plus ou moins largement payés, ce trafic étant orchestré dans l'ombre par quelques gros trafiquants, socialement intouchables, et quelques banques blanchissant au passage d'énormes sommes.

Au bout du compte, se rencontrent dans nos quartiers pour leur petit commerce, consommateurs et dealers. Pour les uns des produits trafiqués (donc plus dangereux) à des prix prohibitifs que la délinquance (prostitution, agressions, …) leur permet de se procurer rapidement ; pour les autres, de l'argent facile dans une société où il n'y a plus de boulot pour tout le monde.

Dans nos quartiers, au bout de notre lorgnette, l'insécurité qui fait parfois réagir au premier degré par une demande de répression massive.

Les flics eux-mêmes, chargés de cette répression, sont les premiers à dire qu'elle ne sert à rien puisqu'elle vise les effets des problèmes et non leurs causes.

Le 16 avril 1996, La Gazette du Canal et les Amis du passage du Prado se sont lancés dans une « opération ambitieuse pour de petites associations », ainsi que le pense Hervé Latapie, un des initiateurs du mouvement. « L'idée, c'était de partir des quartiers pour s'étendre à la région parisienne, à la France, à l'Europe, on y croyait ! »

« C'était aussi tenir un discours nouveau sur la drogue, sensibiliser les quartiers, faire réfléchir les gens pour s'adresser aux grosses associations, interpeller ensemble les politiques. »

De fait, les grosses associations en question n'ont pas vraiment bougé ; depuis les élections municipales, un comité de réflexion s'est mis en place et sur le terrain… rien n'a vraiment changé.

La proposition faite aux pouvoirs publics par « L'appel de la Porte Saint-Denis » était : « Changez la législation, autorisez vraiment la consommation des drogues sous contrôle médical, donnez les moyens à une vraie prévention et retirez ainsi aux trafiquants la possibilité d'effectuer leurs profits. »

Ainsi que le pense Miranda Skoulatou, autre initiatrice du mouvement, cette idée, qui à priori fait peur, a-t-elle été vraiment entendue dans les quartiers ?

Cette idée, dans son application, suppose d'importants moyens en matière d'interventions sociales et de santé. Les politiques sont-ils prêts à investir les budgets nécessaires en sachant que leur électorat reste indécis ou frileux, et en sachant que les enjeux économiques sont enracinés à l'échelle mondiale ?

Si les grandes associations plus spécialisées sur les problèmes de drogue n'ont pas relayé « L'appel de la Porte Saint-Denis », c'est peut-être parce que celles-ci sont en général plus centrées sur les problèmes des toxicomanes plutôt que sur celui du trafic des drogues. Il faudrait sans doute, dans les associations de quartier, s'organiser plus spécifiquement sur cette question-là et, de toute évidence, il manque aussi une coordination entre les diverses associations qui s'occupent chacune d'aspects spécifiques et clivés d'un même problème.

Elisabeth Pascot



Crimes dans le 10e

Au risque de décevoir, le 10e, en ce qui concerne les grands assassins est très « pantoufles ».
Ces messieurs nous ont un peu négligé. Ils ont plutôt oeuvré dans les arrondissements limitrophes (comme le docteur Petiot, qui a quand même eu la délicatesse de se faire arrêter à la station de métro République). Tant pis, nous en sommes quittes pour les en remercier.

L'Événement le plus connu s'est déroulé au 24, boulevard de Magenta le 30 mars 1892. C'est l'arrestation de François-Claudius Koenigstein, plus connu sous le nom de Ravachol.

Ravachol

Issu d'un milieu ouvrier, il adhère très tôt aux idées anarchistes. Contraint par une nombreuse famille à charge (frères et soeurs), il fit de nombreux métiers avant de se livrer au trafic d'alcool, à la fabrication de fausse monnaie et au cambriolage.

Malheureusement, voulant un jour dévaliser un vieillard, il le tua. Il fut arrêté, mais il parvint à s'échapper et il se cacha dans la banlieue parisienne. Pour venger des camarades punis par la justice, il vola de la dynamite et, le 11 mars 1892, il fit exploser une bombe dans la cage d'escalier du 136, boulevard Saint-Germain, lieu où habitait le juge Benoît qui avait présidé quelques mois auparavant un procès contre les anarchistes qui furent très sévèrement condamnés. Il recommença le 27 mars, rue de Clichy, contre le procureur du même procès. Mais, trois jours plus tard, il fut reconnu par M. Chérot, un garçon du restaurant Very qui prévint la police. Son arrestation, alors qu'il mangeait, fut assez mouvementée.

Comme d'habitude, les curieux affluèrent ensuite au restaurant Very. Ils furent mal inspirés, car, malgré une surveillance très étroite, le 25 avril, veille du procès de Ravachol, le restaurant Very sauta, faisant deux morts et plusieurs blessés.

Ravachol bénéficia de circonstances atténuantes, mais comme il avait d'autres délits à son actif, il fut décapité le 11 juillet 1892.

Il devint la figure emblématique de l'anarchisme. Son histoire fut largement popularisée par de nombreuses chansons et publications.

Paulin

Un des derniers grands assassins connus, Paulin, fut arrêté rue de Chabrol par le commissaire de police de ce même commissariat qu'il croisa par hasard dans la rue. Son arrestation se fit en douceur. Condamné à perpétuité pour le meurtre de nombreuses vieilles dames, il mourut peu après du sida en prison.

Alain Jouffroy