La Gazette du Canal n°14 - Dossier

(jan. - fév. 1996)

Le journal de tout le 10e arrondissement de Paris

Bistrots du 10e

Introduction

Voilà une institution bien de chez nous : le bistrot populo, salon du pauvre, avec son gros patron à moustaches, ses habitués forts en gueule, son coin de salle où des lycéens bruyants viennent sécher leurs cours de maths.
Le cliché est beau comme du Doisneau mais la photo a jauni. La restauration rapide, l'hypnose cathodique et les porte-monnaie plats ont provoqué l'exode tandis que les méthodes fordiennes des nouvelles usines à boissons contribuaient à dégrader l'image chaleureuse et fraternelle de ces anciens pôles de la sociabilité urbaine.
Il ne suffit plus aujourd'hui d'être installé au carrefour pour attirer la clientèle. La nécessaire mutation des cafés prend un tour paradoxal : il faut aux nouveaux patrons trouver du neuf pour faire de l'ancien, il leur faut innover pour que leurs établissements retrouvent une fonction privilégiée au sein d'un tissu social de plus en plus distendu.
Le 10e est loin d'être dépourvu.
Incitation à la débauche pour vous faire retrouver le goût de la rue et de ses ambiances.

Les coups de bar

Avec l'arrivée de nouvelles concurrences, les bars ont pris un sérieux coup de vieux. Beaucoup se sont fatigués, incapables de rivaliser avec les fast-food, avec la variété des produits proposés par les boulangers et autres marchands de plats à emporter. Incapables également de faire contrepoids à l'hégémonie télévisuelle au sein de la société des loisirs. Les nouveaux patrons doivent à présent proposer du bon, bon marché, voire de l'original. Pour vous caler le soir, Félix, « au lapin d'Adel », prépare une recette de tortilla que lui a légué sa maman andalouse. Au menu, on trouve également des tartes salées confectionnées par Michel, un excellent pâtissier de la rue des Messageries.

Si l'originalité n'a pour vous que peu d'attraits, la solution de l'assiette du bar à vin s'offre toujours à vous « au Coin de verre ». Quant aux distractions, il faut encore citer cette dernière adresse, qui outre une programmation régulière de concerts, organise souvent des expositions.

Moins sensible aux effets de mode que les arrondissements du centre, le 10e exploite le créneau de la tradition. Ni Tex-Mex, ni chinoiseries karaoké, mais de l'accordéon et de la chanson. La tradition s'est néanmoins enrichie : guettez les apparitions de l'américaine Jasmine (notamment à l'Atmosphère) qui mêle les sons de l'underground new-yorkais au musette. La quasi absence de petites salles de spectacles dans la capitale est une aubaine pour nos bistrots : Charlotte au lapin d'Adel, toute jeune et toute gaie, chante des airs connus et ses compositions en s'accompagnant au piano à bretelles.

Au théâtre ce soir

Le bistrot n'est pas une simple entreprise commerciale. On ne s'y rend pas en « client », on n'attend pas nécessairement d'y être reçu avec les égards dus aux consommateurs. On espère plutôt y devenir acteur en remettant sa confiance au patron - metteur en scène qui doit savoir faire naître les complicités au sein de sa troupe. Brouillé avec vos congénères humanoïdes, avec  « les cons du boulot, les abrutis en auto », vous cherchez à retrouver un sens de la communauté dont le patron est garant. Vito à « la Patache » est renommé pour ses coups de gueule. Un soir, en voyant ses clients isolément absorbés dans la lecture de leurs livres, il s'est indigné : « On n'est pas à la Bibliothèque nationale, on est dans un bistrot, il y a une âme ici ! »

L'anonyme gogo que vous êtes, à qui l'on sourit lorsqu'il met la main au porte-monnaie, est en quête d'une familiarité qui se raréfie dans un monde où l'argent est le seul régulateur (mais le patron sait-il encore payer sa tournée ?). Peu importe si la méthode employée est un peu radicale : vous êtes venu seul « au Coin de verre », prenez donc ce couteau pour éplucher les pommes de la tarte qui sera servie le soir même. Rassurez-vous, l'exploitation s'arrê-tera là, ici on pratique le prix « au compteur » : au moment de régler votre bouteille, vous ne payerez que ce que vous aurez bu.

Aux bars citoyens !

Dans la cité, le bar est un phare, pas seulement parce qu'il attire les soiffards. Lieu de rencontre et d'échanges, il est aujourd'hui un des agents du grand brassage républicain, sa fonction est de maintenir et de consolider le lien social. La politique de bar dont on rêve serait celle d'un patron qui chercherait à réunir toutes les catégories de population de 7 à 77 ans. C'est un peu dans un état d'esprit voisin que La Gazette du Canal, au mois de juin dernier, organisait une soirée publique à l'Atmosphère de retransmission télévisée des débats électoraux.

Egalité et fraternité de comptoir ne sont que des moments, mais des moments rares qu'il ne tient qu'à nous de prolonger.

Emmanuel LOIRET.



Et un peu d'étymologie…

Café : lieu où l'on boit du café. (Le caféier est originaire d'Abyssinie ou des pays tropicaux).

Le mot « cahoa » apparaît en France en 1611, il proviendrait de l'arabe « quahwa », devenu en turc « kahvé », puis en italien « caffè ».

Bistrot ou bistro : mot à l'origine contestée. Il serait apparu après 1870, soit dans le Nord soit à Paris, mais serait une création bien française. Il désignerait un marchand de vin tenant café.
D'après Gastin Esnault (spécialiste de l'argot), le mot viendrait de Bistouille (mauvais alcool, mauvaise boisson) ou dériverait de bistre (suie détrempée avec de la gomme de couleur), le vin en rappelant la couleur.
Albert Dauzat (également spécialiste de l'argot) (Le Monde, 17 janvier 1951) penserait, quant à lui, que le mot vient du terme russe « bistro » signifiant « vite ».
La petite histoire voudrait, en effet, qu'en 1815 des soldats de la coalition russo-autrichienne contre Napoléon, rentrant dans des estaminets et cafés de Paris réclament au tenancier pour se réchauffer « vite, vite (bistro, bistro) une boisson chaude ! ».

Estaminet : mot d'origine wallonne, petit café de ville ou de village.

Et quelques synonymes : assommoir, bar, bougnat, bousin, brasserie, buvette, cabaret, caboulot, cambuse, comptoir, courtille, débit, gargote, guinguette, mastroquet, popine, taverne, tapis-franc, troquet, zinc, etc.

La liste n'est pas close…

Jeannine Christophe.



Bistrots de nuit face à une police de mauvaise réputation

Lieux de convivialité pour les uns, source de nuisances pour les autres, les bistrots de nuit suscitent bien des passions. Une brigade de police spécialisée est chargée de concilier les intérêts des commerçants et la tranquillité du voisinage. Un casse-tête complexe, d'autant plus que certains de ces policiers viennent d'être épinglés par la police des polices.

Le scénario est classique, et hélas, trop fréquent : la scène se joue dans un bistrot de nuit, aux alentours de deux heures du matin. Les derniers clients traînent, légèrement égayés par la boisson ingurgitée depuis quelques heures, ils parlent fort, rigolent et se croient en pleine journée. Le barman a beau leur demander de faire plus doucement, c'est peine perdue. C'est alors que le voisin de l'étage du dessus perd patience. Depuis des heures il a entendu le va-et-vient des clients, il a profité des éclats de rire, voire du concert de musique vivante donné en soirée pour mieux attirer la clientèle. Il en a ras-le-bol, attrape son téléphone et appelle la police. On le comprend, chaque habitant a droit à sa tranquillité.

Fermetures difficiles

« Les gens supportent de plus en mal ces nuisances » nous explique M. Baltéra, commissaire principal, « c'est à deux heures pile que se déclenchent les appels, nous intervenons, en fonction des disponibilités du service et du nombre d'appels reçus ». Les policiers se retrouvent dans une position bien délicate. Il est impossible d'empêcher les bistrots d'exercer leur activité, mais il est difficile aussi de ne pas tenir compte des exigences du voisinage. Il est vrai que parfois les commerçants (et pas seulement les débits de boisson) abusent, l'été leurs terrasses empiètent sur les trottoirs et ils effectuent bien rarement les travaux d'insonorisation qui pourraient limiter les nuisances.

La brigade d'intervention de voie publique est composée d'une dizaine de personnes. Sa tâche de surveillance des débits de boisson n'est pas une mince affaire, puisque l'arrondisse-ment n'en compte pas moins de 795 ! Une telle affluence s'explique notamment par la présence des deux gares. « Vendre de l'alcool ne constitue pas un commerce comme les autres », explique le commissaire principal, « c'est un métier particulier, il faut tenir son établissement ». Ainsi la brigade intervient pour faire respecter une règlementation précise : horaires d'ouverture, règles d'hygiène, surface des terrasses, etc. En cas d'infraction, les policiers disposent d'un arsenal répressif graduel. Ils commencent par dresser une contravention, puis adressent un avertissement, enfin, en cas de récidive ou de problème grave, ils demandent la fermeture admi-nistrative temporaire. Ce dernier échelon est un couperet très redouté des patrons de bistrots. « Dans tous les cas », précise M. Baltéra, « un contact personnel est établi entre le policier spécialisé et le responsable de l'établissement ». Cette brigade exerce une surveillance administrative et non pénale, les trafics de drogue par exemple sont traités par la police judiciaire.

Brigade cow-boys

Certains témoignages, recueillis depuis quelques mois, ainsi que l'arrestation récente d'un des brigadiers-chefs de cette brigade, jettent le doute sur les propos conciliants et rassurants de M. Baltéra. Les plaintes du voisinage de certains établissements sont bien réelles, mais la manière dont plusieurs officiers de police se comportent est bien curieuse et entretient des rumeurs malsaines.

Est-il normal que les policiers arrivent en voiture à toute allure, qu'ils se garent sur le trottoir en risquant de renverser les clients attablés à la terrasse du café, tout cela en faisant crisser les pneus pour mieux impressionner le public. Se prennent-ils pour des cow-boys ?

Pour M. Baltéra ce comportement s'explique par la dramatisation de certains appels téléphoniques qui grossissent l'affaire et incitent les policiers à arriver en urgence sur les lieux… Lors d'une intervention dans une boîte de nuit, des clients ont été témoins de propos incohérents d'un officier visiblement en état d'ivresse. Les patrons de ces établissements restent prudents et hésitent à parler franchement, ils ont peur des représailles. Rien de plus facile en effet que de les prendre en défaut en pratiquant un harcèlement tatillon, la réglementation le permet, et les occasions de dresser des procès verbaux ne manquent pas : un torchon placé sur la machine à café, une bouteille d'alcool mal disposée, un éclat de voix audible à quelques mètres, un client en état d'ivresse attablé devant un verre, etc.

Du ripoux dans l'air ?

L'arrestation en novembre dernier d'un brigadier chef de la brigade a fini par jeter le trouble. Il est accusé de racket ! (voir encadré) Un autre employé du service d'hygiène de la Préfecture de police a été relevé de ses fonctions. Depuis, les commentaires fusent, mêlant faits réels et rumeurs. Certains de ces policiers sont régulièrement attablés pour déjeuner ou dîner dans des établissements de l'arrondissement. Sont-ils invités ? Pourquoi s'acharnent-ils sur certains lieux apparemment bien tenus ? Pourquoi d'autres lieux d'animation nocturne ne sont-ils au contraire apparemment jamais inquiétés ?

Pour éviter tout dérapage et faire cesser ces rumeurs, la situation doit être rapidement assainie. L'instruction en cours permettra sans doute de rappeler à l'ordre les policiers tentés par l'abus de pouvoir. De leur côté, les patrons de bistrot ont tout intérêt à ne pas rester isolés, ils doivent se rencontrer et se fixer des règles pour limiter les nuisances. Quant à nous, clients et amateurs de bonne ambiance, nous serons peut être amenés à jouer les arbitres en rappelant à l'ordre les uns et les autres.

Hervé LATAPIE

Trois brigadiers du 10e dans le colimateur des « boeufs carottes »

Notre commissariat central de la rue Louis-Blanc ne parvient pas à se défaire de sa mauvaise réputation. Il s'était déjà vu estampillé de « trois menottes d'acier » par l'Union des jeunes avocats de Paris (voir La Gazette n° 6).

Aujourd'hui, pas moins de trois brigadiers chefs sont dans le colimateur de la police des polices (les "bœufs carottes"). L'un d'eux est déjà sous les verrous, chargé de la surveillance des débits de boisson, il semble qu'il s'adonnait au racket des établissements dont il avait la surveillance.

Le deuxième incriminé trafiquait avec la caisse-café du commissariat.

Enfin, le troisième larron s'arrangeait avec des garagistes du quartier pour remettre en circulation des épaves de voitures recueillies sur la voie publique, tout en se mêlant d'un peu trop près du trafic d'héroïne et de cocaïne.

À quand le grand ménage rue Louis-Blanc ?



De quelques bistrots de nuit à deux pas du canal

Nul besoin d'être noctambule pour goûter au plaisir de l'ambiance si particulière des bistrots de nuit, surtout lorsqu'il vous suffit de faire quelques pas dans votre quartier pour aller vous y recueillir. Chacune de ces adresses a ses particularités qu'il vous appartiendra d'aller découvrir, mais toutes ont un point commun : salles de quartiers, elles sont surtout fréquentées par des habitués qui se saluent ! On s'y intègre facilement en quelques visites. Ces bars ont su créer une ambiance propre, du fait de la personnalité du patron ou des barmans. Ce sont des refuges pour tous ceux qui aiment bien sortir, mais sans aller trop loin, et en évitant le style branchouillé des quartiers plus à la mode de Paris. Autre précision qui compte : les tarfifs défient toute la concurrence de la capitale, le demi de base se paye entre 10 et 15 F !

A LA PATACHE, rue de Lancry vous aurez droit au sourire calme et délicieusement triste de Sourraya, Vito, le patron du lieu a une allure plus débonnaire. Le vieux juke-box est une sacrée attraction, vous pourrez sélectionner Aimable, Piaf ou Brel. Seule ombre au tableau, certains insectes se plaisent un peu trop dans le décor patiné (Vito il faudra te décider à faire quelque chose !).

À l'ATMOSPHÈRE, au coin de la rue des Récollets et du quai de Valmy, vous êtes accueillis à partir de 17 h par la petite Souad. Energique et directe, elle accueille des groupes musicaux tous les soirs. Christophe vous servira des en-cas pour calmer vos petites faims. Il y a beaucoup de monde, et les genres sont variés. Certains habitués, comme Kamel (de la boutique Miss Aventure, le plus charmant des piliers de bistrots de l'arrondissement) se chargent d'intégrer les nouveaux venus.

AU LAPIN D'ADEL, rue de la Grange-aux-Belles (coin de la rue Bichat) est ouvert le soir depuis peu, c'est Olivier qui tient le bar (il avait fait l'ouverture de l'Atmopshère au printemps dernier et a auparavant sévi chez Maurice au Bourgogne). Sa conception du bar de nuit est ambitieuse : café animé, salon où l'on cause de choses graves, salle de jeu et de lecture, concerts de musique, il veut réunir toutes ces ambiances, il lui faudra cependant faire un choix : musique ou causeries tranquilles.

Wolf, anciennement au Tabac Bleu a traversé la rue du Faubourg-Saint-Martin et se situe preque au coin de la rue des Récollets dans un petit bistrot qu'il a nommé LE RAPIDE WOLF. L'ambiance varie selon les jours et vaut surtout le coup pour les originaux que l'on rencontre au comptoir. Les vrais noctambules du quartier sont là, la nuit les inspire et délie leur imagination.

LE COIN DE VERRE est le seul lieu dont il vaudrait mieux taire l'adresse (rue de Sambre-et-Meuse). C'est un refuge où l'on peut oublier définitivement (le temps d'une soirée) que l'on est à Paris : feu de bois, bonnes bouteilles, charcuteries et fromages de campagne constituent un cocktail étonnant. Pour peu qu'Hugues, grand ordonnateur, soit en verve, vous aurez droit à une leçon d'oenologie ou d'affinage de fromages.

Hervé Latapie

P.S. : Où trouver un bistrot calme le soir ?

Depuis que ces lignes ont été écrites, la situation évolue et le plaisir du promeneur du soir se trouve menacé par overdose de… décibels. La tendance de nos bistrots de nuit préférés est d'accueillir tous les soirs, ou presque, des musiciens. Le choix du programme n'obéit à aucune recherche de qualité, il attire la clientèle des copains et copines des musicos en question et remplit le tiroir-caisse. Tant pis pour les habitués du quartier qui fuient, épuisés par les hurlements ou autres bruits de sono.
Force est de constater qu'il manque toujours dans notre quartier un vrai café animé. Il faudra un jour songer sérieusement à ouvrir un bar associatif qui serait un vrai lieu alternatif, géré pour animer la vie locale et non pas seulement pour engranger des bénéfices.
Toute personne intéressée par ce projet peut contacter La Gazette !



Une tournée au Faubourg-Saint-Denis

Le Cajun Bar

Le « Cajun Bar » existe depuis environ six ans. Situé dans le bas du Faubourg-Saint-Denis, c'est un lieu agréable, avec de la bonne musique Jazz-Rock, où se rencontrent des habitués, qui ne viennent pas forcément du quartier. Le soir ce sont les fêtes, les soirées entre amis-artistes-peintres, une faune de citadins sympathiques dont les photos colorent tous les murs du café. Le patron est passionné d'Amérique, surtout de Louisiane, du Québec, mais aussi du Mexique. Ses clients voyageurs lui ramènent des photos et des affiches de ce monde francophone lointain, où l'espace est plus large, et dont la musique anime l'espace du « Cajun ».

Le Passage

Il faut chercher « le Passage » pour le trouver. Une affichette l'annonce du côté de la rue des Petites-Ecuries et il faut savoir qu'il se trouve dans le passage étroit qui relie la rue d'Enghien à la rue des Petites-Ecuries. C'est un bistrot spécialisé dans le domaine des vins et dans les repas simples où « tout est frais » : la carte des vins est bonne et quand quelques amis musiciens s'invitent à l'improviste, on peut passer une bonne soirée musicale.

Chez Jeannette

À l'angle du Faubourg-Saint-Denis et de la rue d'Enghien se trouve un des rares cafés parisiens ayant gardé des années cinquante le haut plafond aux moulures préservées. Tout le quartier se retrouve ici : les commerçants et vendeurs des magasins environnants, les habitants du quartiers, les livreurs, les élèves d'une école de théâtre y ont élu domicile. La patronne se souvient d'un passé glorieux, lorsque le Parisien avait sa rédaction juste à côté et que les réunions se tenaient « chez Jeannette ». Elle déplore que le quartier ait bien changé depuis.

Au côté déjà multiculturel des années cinquante s'est ajoutée une population d'immigration récente : les familles turques, kurdes, pakistanaises, maghrébines, pour ne citer que les plus nombreuses. Même si ces populations ont créé leur lieux propres, « Chez Jeannette » est un lieu où se croisent les différentes cultures et couches sociales du quartier. On n'est pas surpris d'y voir filmer l'interview d'une femme de couleur, ou d'aperce-voir l'effervescence habituelle d'un tournage dans le café même, ou de le découvrir dans un guide autrichien des cafés les plus typiques de Paris. On y trouve actuellement ce qu'on pourrait appeler une clientèle « ouverte », l'habitué y trouve autant sa place que l'étranger - et c'est sans doute ce qui explique que l'on y tourne des scènes de films - comme récemment dans « La croisade d'Anne Buridan » de Judith Cahen et que « Vogue » et « Joyce » y ont fait des photos - « Chez Jeannette » est un café dont on peut dire, comme de certains écrivains, que la place qu'il prend dépasse les intentions dont il se réclame.

Renate REISMANN